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Le dossier FD48 "La
méthanisation"
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Méthanisation,
la solution miracle pour les
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organiques?
Tout comme le compostage, la
méthanisation est une
filière de traitement biologique
des déchets d'origine organique.
Certaines installations de compostage se
mettent à la méthanisation.
Est-ce la solution durable pour la gestion
optimum de nos déchets verts? Bilan
de la situation en Suisse romande, d'un
point de vue technique, pratique,
économique et bien sûr
écologique pour cette
technologie!
Autre page liée à ce sujet
- Forum Déchets n° 76 sur les déchets verts >>
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Photo:
Pierre-Alain Mouchet,
SRVA
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Depuis plus de vingt ans, on
connaît le compostage et
l'utilisation du produit obtenu, le
compost, riche en humus, base de la
fertilité des sols. On le sait, ce
traitement biologique est similaire au
cycle naturel effectué par les
écosystèmes
eux-mêmes.
Afin d'éviter
l'incinération de déchets
organiques, qui ne s'y prête
guère vu leur taux
d'humidité important, des solutions
se sont mises en place: compostage par les
particuliers, compostage en bord de champ
par les agriculteurs, compostage
centralisé au niveau communal ou
régional, ou alors
méthanisation
centralisée.
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Des
micro-organismes pour un bilan
énergétique positif avec le
biogaz
Sous le terme de méthanisation,
on entend la décomposition de
matériel organique par des
micro-organismes, dont plusieurs
espèces bactériennes, en
l'absence d'oxygène
(anaérobie). Comme pour le
compostage, on obtient un substrat
intéressant, le compost ou
digestat. Mais l'avantage primordial de ce
mode de traitement est son bilan
énergétique grâce
à la production de biogaz (deux
tiers méthane et un tiers gaz
carbonique). C'est la différence
fondamentale avec le compostage qui
libère l'énergie sous forme
de chaleur et de gaz, rarement
récupérés.
Pour la Suisse, entre 1985 et 2000, le
tonnage de déchets organiques
compostés ou
méthanisés dans les
installations centralisées a plus
que triplé pour atteindre 640'000
tonnes. On estime que 300'000 tonnes sont
compostées par les petites
installations et les particuliers. L'OFEFP
évalue à25 % le potentiel de
matières organiques contenues dans
les déchets incinérables des
particuliers, soit une quantité de
300'000 tonnes valorisables par traitement
biotechnologique. A cela, il faut encore
ajouter les gisements de déchets
méthanisables du secteur
privé comme les déchets
agro-alimentaires et industriels. Un
potentiel important reste par
conséquent encore
inexploité
Les déchets idéaux pour
la méthanisation sont humides et
peu fibreux, car les bactéries ont
beaucoup de peine à dégrader
la lignine (substance donnant au bois sa
consistance). La valorisation des
déchets tels que restes de repas,
sous-produits agro-alimentaires,
déchets de légumes
(producteur, commerce, consommateur) sont
particulièrement adaptés
à ce traitement. Et les gisements
possibles semblent infinis: déchets
de transformation des subs-tances
végétales (sucre, tabac,
lait, café, etc.), ainsi que toutes
les industries produisant des eaux
usées fortement chargées en
matières organiques.
Pour une usine de méthanisation
centralisée, la quantité
intéressante semble être au
minimum de 10'000 t/an, mais des
installations de type agricole avec des
tonnages nettement plus faibles sont
déjà économiquement
viables. Le mélange de divers
gisements de déchets organiques
(codigestion), comme par exemple du lisier
de bétail et d'autres
sous-produits, permet d'obtenir un
digestat plus stable, assurant la
fiabilité du système.
L'agriculteur équipé de la
sorte devient un recycleur pour la
société et gagne ainsi un
revenu d'appoint intéressant. Mais
attention à l'augmentation des
transports amenant les déchets et
à la qualité de ces
derniers. Rappelons également que
selon la législation suisse, la
construction d'une installation traitant
plus 1'000 t/an nécessite une
étude d'impact sur l'environnement
(EIE).
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Technologie
standardisée, mais suivi complexe
Ce mode de traitement fait un grand
retour, car la technologie permet de
s'adapter aux besoins des utilisateurs
potentiels. De nombreux constructeurs
proposent des procédés de
méthanisation. Dans un premier
temps, les déchets sont introduits
dans une enceinte contrôlée
où se déroule le processus
de fermentation, appelée digesteur.
Le biogaz produit est épuré,
puis stocké dans un
réservoir à gaz souple en
matière synthétique, pour
être finalement dans la
majorité des cas converti en
courant électrique par le couplage
chaleur-force auquel il est
raccordé.
Dans le digesteur, la gestion de
l'activité des bactéries ne
s'opère pas toujours sans mal,
d'où l'importance de certaines
connaissances préalables. A cause
de la complexité des
différents types de
bactéries entrant en jeu dans le
digesteur, le risque de blocage de la
fermentation est relativement haut et son
suivi nécessite des connaissances
particulières. La
variabilité de la nature des
déchets méthanisables selon
les saisons, voireselon les livraisons,
ajoutent encore de la complexité au
fonctionnement.
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Le moteur
d'une installation
agricole produisant de
la chaleur et de
l'électricité
avec un apport minimum
de 2% de diesel pour
simplement amorcer
l'autocombustion du
biogaz non
purifié.
Photo: Pierre-Alain
Mouchet, SRVA
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Un agriculteur
producteur d'énergie
à Puidoux
(VD)
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En 2001,
l'installation de M.
Georges Martin a produit
120'000 m3 de biogaz qui
a permis, grâce au
couplage chaleur-force,
de produire presque
260'000 kWh
d'électricité.
La moitié est
consommée sur
place et le reste est
revendu au réseau
comme courant vert. La
chaleur sert de
préchauffage
à la digestion et
permet de chauffer l'eau
nécessaire
à la boucherie de
la ferme, la maison et
prochainement
également une
porcherie.
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La
solution pour en finir avec les
odeurs?
En travaillant en système
fermé comme c'est le cas dans un
digesteur, il semble logique
d'éliminer le problème des
éventuelles émissions
malodorantes du compostage. On note
également un gain de place
conséquent pour le stockage des
déchets à traiter vu la
possibilité de travailler avec des
enceintes de stockage. De nombreux centres
de compostage des déchets
organiques comme par exemple celui du
Nant-de-Châtillon (GE) se sont
décidés à construire
une installation de méthanisation
pour pallier les problèmes dus aux
odeurs (plaintes du voisinage, allant
jusqu'à la pétition des
citoyens de la commune de Bernex),
conséquence directe de
l'augmentation considérable du
tonnage à traiter. Selon
l'expérience genevoise, la conduite
de cette nouvelle installation ne se fait
pas sans mal, car le chargement et le
suivi biologique du digesteur demandent
des efforts particuliers dans l'adaptation
des déchets entrants et au niveau
du personnel nécessaire
(laboratoire, biologiste).
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L'installation
du site de
Châtillon (GE)
s'est
équipé
pour la
méthanisation en
2000, suite à
l'augmentation
considérable du
tonnage de
déchets à
traiter. La conduite de
cette installation s'est
avérée
fortement tributaire du
suivi biologique du
digesteur. Photo: DIAE -
Etat de
Genève
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Coûts
de traitement plus élevés
dus aux
investissements
La technique de méthanisation
pour une installation centralisée
est relativement onéreuse. Par
exemple, l'installation de
méthanisation de Villeneuve (VD),
couvrant une population de 125'000
habitants, est un projet à 13 mio
CHF, qui de plus doit faire face à
des travaux d'agrandissement, dont le but
est l'élimination des nuisances
olfactives persistantes et
l'amélioration des rendements de
l'installation, s'élevant à
plus de 5 mio CHF. Dans ce cas
précis, on fait face à trop
de ligneux mélangés à
des déchets méthanisables,
à composter à l'air libre,
et pas assez de produits
méthanisables pour une usine ne
fonctionnant pas à satisfaction. Vu
cette situation, il a fallu augmenter la
surface de l'aire de compostage. On
projette principalement l'agrandissement
de la halle de réception en vue de
supprimer des déchets
stockés à
l'extérieur, l'installation d'un
broyeur et d'un prétraitement pour
séparer les produits
méthanisables, les ligneux et les
indésirables, une halle de
compostage fermée pour y
mélanger les boues du digesteur
avec les ligneux.
Pour des installations de type
agricole, l'investissement se monte en
moyenne à 300'000 francs, qui
peuvent être amortis par la vente de
courant électrique en 8 à 12
ans. L'exploitant comptant plus de 60
unités de gros bétail a de
fortes chances de s'en sortir
économiquement et profite d'une
énergie respectant l'environnement
et d'un purin de meilleure
qualité.
La Suisse romande est modestement
dotée: 2 sites traitant les
déchets organiques (11 pour la
Suisse), 2 installations pour le
traitement d'effluents industriels (sur
21) et une dizaine d'unités
agricoles (sur 68).
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Les
débouchés
existent
Une tonne de déchets verts
permet de produire environ 100 à
150 m3 de biogaz, valorisable sous forme
d'électricité, de chaleur ou
comme carburant automobile. 1 kg de masse
méthanisable permet à une
ampoule 60 W de briller pendant plus de 2
heures ou à une voiture de
parcourir jusqu'à 1 km sans
produire de gaz à effet de serre.
Les véhicules fonctionnant par ce
système sont réputés
écologiques. Il y a actuellement
500 véhicules à gaz
immatriculés en Suisse (0,02% du
parc de véhicules). De nombreuses
marques automobiles ont sorti ces
dernières années des
modèles écologiques roulant
au biogaz. Il reste encore le
développement d'un véritable
réseau de stations-service
permettant le remplissage des
véhicules à gaz.
Issue d'un moteur fonctionnant au
biogaz, l'électricité
produite peut être injectée
dans le réseau public. Cette
énergie renouvelable est
actuellement recherchée par les
distributeurs d'électricité
qui sont légalement tenus de la
reprendre. Après une purification
du biogaz, il est également
possible de le réinjecter dans le
réseau de gaz naturel.
Vu l'engorgement de certaines
compostières, la
méthanisation est une solution
pertinente permettant de
récupérer le méthane,
gaz à fort potentiel de
réchauffement climatique.
Actuellement, en Suisse romande, des
projets semblent se concrétiser,
comme la méthanisation de fumiers
et de cosubstrats permettant de couvrir
les besoins énergétiques de
la plus importante fromagerie de lait de
chèvre.
Dans la perspective d'augmenter la part
des énergies renouvelables, la
méthanisation se profile donc comme
une filière d'avenir.
Frédéric
Schweingruber
BIRD, Prilly
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Pour en savoir plus
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