Les Suisses restent incontestablement parmi les
citoyens les plus disciplinés et les plus
performants pour le tri des déchets
ménagers. Reste qu'il existe une différence
de performance entre les quartiers d'habitat collectif et
les zones villas ou les campagne périurbaines.
Suite à une expérience de tri de 18 mois
dans le XIIIe arrondissement de Paris, la mairie de la
capitale française vise un objectif de
valorisation "matière" de 17%, le reste
étant "valorisé thermiquement". En moyenne
suisse, le taux de recyclage (y compris compostage)
atteint déjà 42%. Rien que pour le PET, nos
compatriotes font largement mieux que d'autres: plus de
75% d'emballages pour boissons recyclés, contre
environ 40% en Italie et 20% en France (données
2000). Et pour le verre (85%) ou le papier (65%), les
Helvètes restent sur le podium.
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a plus rien à
faire. Une fois que la collecte d'une matière
fonctionne à satisfaction, on peut imaginer
s'attaquer à une autre: matières
plastiques, complexes pour boissons, etc
Les citoyens
sont-ils prêts à trier plus de 10
matières?
Mais le Suisse modèle trie déjà
parfois plus de 10 catégories:
incinérables, déchets encombrants,
déchets organiques, pain sec (pour les animaux),
papier/carton, verre, fer blanc, aluminium, PET, huile de
friture, habits usagés, piles, lampes
fluorescentes, médicaments, autres déchets
spéciaux. Certaines de ces catégories ne
représentent que quelques kilos par habitant et
par an. Ainsi, par exemple, la poubelle à piles
usagées mettra des mois ou des années
à se remplir! Il faut admettre que bien des
citoyens ne disposent pas de la place nécessaire
pour stocker ces différentes sortes de
déchets ou refusent de s'imposer une telle
discipline. C'est pourquoi, dans bien des régions
d'Europe, les collectivités publiques proposent
des systèmes simplifiés à trois,
quatre ou cinq sacs:
1. incinérables,
2. compostables (si la filière existe),
3. verre (souvent séparément pour ne pas
contaminer les autres matériaux et faciliter le
tri),
4. papier/carton (parfois acceptés avec
l'ensemble des emballages),
5. aluminium, fer blanc, corps creux en plastique,
briques pour boissons, EPS, etc.
Ce dernier sac contient principalement des
déchets recyclables et peut représenter 10%
de la totalité des déchets. S'il comporte
aussi le verre et le papier/carton, cette part grimpe
à 40% du tonnage.
Une "mini-déchetterie" de
cuisine comme celle-ci coûte un peu plus de
200.&endash; francs. Amortie sur 10 ans et sachant
qu'elle va recevoir 2 tonnes de déchets par an,
l'investissement se justifie pleinement et ne
représentera qu'une modeste charge de
10.&endash; francs par tonne. (photo:Peka-Metall AG)
Des tentatives ont déjà
été faites dans ce sens en Suisse (voir
forum déchets no 22). Mais cette voie n'a pas la
cote dans notre pays puisqu'elle passe par l'exploitation
de centres de tri dans lesquels les conditions de travail
manuel peuvent paraître "indignes". Quant à
l'alternative des "robots trieurs", elle suppose des
investissements disproportionés avec le peu de
valeur de la marchandise travaillée. Pourtant les
recherches s'intensifient dans ce sens, soutenues par les
progrès de l'identification de forme ou la
spectrométrie infrarouge.
Multiplier les
conteneurs et agrandir les locaux
communs
Ainsi, notre pays privilégie-t-il le
développement de la "déchetterie de
ménage". C'est dans cet esprit que de nombreuses
communes offrent des poubelles vertes pour les
déchets organiques et/ou des conteneurs à
roulettes pour le ramassage des déchets
compostables.
Plusieurs fabricants d'agencement de cuisine proposent
des systèmes de poubelles à compartiments
multiples (jusqu'à six boîtes). Dans la
pratique, chaque citoyen invente sa propre
systématique, exploitant les sacs, boîtes et
autres cartons usagés.
Et la
responsabilité des
producteurs?
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Le principe pollueur-payeur est largement admis.
Mais qui, du fabricant ou du consommateur, doit
être considéré comme le
pollueur? Qu'importe, diront certains, puisque
le payeur sera toujours le consommateur. En
Suisse, l'idée prévaut que le
pollueur est le détenteur du
déchet et on lui impose une taxe au sac.
La tendance en Europe est plutôt de
considérer une responsabilité
élargie du fabricant par rapport à
son produit et, conséquence logique, de
lui imposer une participation financière.
C'est le système du "point vert". Il
permet de financer une large partie des efforts
consentis par les citoyens et les
collectivités publiques. Dans certaines
communes du Jura français, les habitants
qui trient mieux leurs déchets peuvent
même recevoir une "ristourne" de fin
d'année sur la facture déchets.
Peut-être devrions-nous exiger plus de la
part des fabricants...
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Mais il faut bien admettre que le tri des
déchets dans les immeubles locatifs se heurte
à un problème de place, tant dans les
cuisines que dans les locaux dévolus aux
conteneurs. Les architectes sont donc invités
à réfléchir à cette
problématique pour la réalisation de
nouveaux bâtiments comme dans le cadre de travaux
de rénovation.
Rien ne remplace
la sensibilisation personnelle
La communication écrite est indispensable et
doit être faite avec professionnalisme. Au coeur du
système se trouve le calendrier communal des
déchets. Mais rien ne remplace le contact direct
avec les citoyens. En France, la mise en place d'une
nouvelle organisation pour la collecte des déchets
passe par l'engagement d'ambasadeurs du tri,
spécialement instruits pour former et motiver les
habitants.
Ce type de mesure coûte cher (1/4 d'heure par
ménage) et n'est vraiment efficace qu'à
condition d'être répétée au
fil des ans. Mais il faut se rappeler qu'un ménage
convaincu de l'utilé du tri de ses déchets
peut réduire sa production d'ordures à
incinérer de 500 kg par an (125 kg par personne).
L'investissement dans une capacité
d'incinération équivalente
représente environ 1000 francs, montant qu'il
convient aussi de renouveler tous les 20 ans.
Les concierges
détiennent aussi la clé du tri
réussi
Dans les habitations collectives, il va de soi que ce
sont les concierges qu'il faut pouvoir toucher et sur qui
l'on doit être en mesure de compter pour motiver
les ménages. Même s'ils ne sont pas tous
pionniers (voir témoignage en page 4), les
concierges sont incontournables et indispensables.
On peut signaler qu'en Suisse alémanique, un
module spécial de formation sur la gestion des
déchets est prévu dans le cadre des cours
conduisant à l'obtention du certificat
fédéral de capacité. Comme les
exigences en la matière se précisent, on
peut imaginer que les cahiers des charges de conciergerie
s'étofferont ces prochaines années. Et
pourquoi pas un intéressement au résultat
pour le concierge qui par son action permet une
amélioration nette de la performance du tri?
Augmenter les
fréquences de ramassage ou miser sur l'apport
volontaire
Face à la multiplication des critères de
tri et parce que le stockage connaît des limites,
les services communaux peuvent être amenés
à augmenter les fréquences de collecte. On
observe, par exemple, qu'en effectuant un ramassage
hebdomadaire des vieux papiers plutôt qu'une
tournée toutes les quatre semaines, le taux de
collecte s'accroît de façon très
notable. Cela s'explique par le manque de place dont
souffrent les habitants et par le fait qu'un ramassage
hebdomadaire est plus facile à
mémoriser.
Mais une tournée de ramassage coûte
cher, ce d'autant plus que les quantités
collectées sont réparties dans le
temps.
Reste alors l'option inverse qui consiste à
supprimer le ramassage au porte à porte au profit
de mini-déchetteries de quartier. C'est le choix
qu'a opéré par exemple la commune genevoise
de Cartigny. Elle a installé 17 conteneurs
enterrés pour les ordures ménagères
(aucun citoyen n'a plus de 50 m à faire) et 15
autres conteneurs constituant de véritables
déchetteries intégrées dans le
paysage urbain où l'on peut se défaire des
déchets organiques, du verre, du papier, du PET,
de l'alu et du fer blanc, des piles et des habits
usagés. L'investissement n'est pas
négligeable: environ 10'000.&endash; francs par
conteneur. Mais à partir de là les
coûts de collecte sont réduits d'un tiers et
le taux de recyclage peut doubler diminuant d'autant la
facture d'incinération. Cartigny espérait
amortir son investissement en douze ans. Après
deux mois, le taux de recyclage avait grimpé de
20% à plus de 50% et il se peut donc que
l'opération soit finalement plus favorable que
prévu.
Bien des projets de déchetteries sont
basés sur le même calcul: laisser le citoyen
faire un maximum (tri, stockage, transport) en
déchargeant d'autant la commune. Hormis le fait
que le contribuable finit par traîner les pieds, il
faut éviter de tomber dans l'aberration
écologique où l'on remplace une
tournée de camion par des multitudes de transports
en voitures privées.
Nul doute que le tri des déchets et les
modes de collecte vont encore évoluer ces
prochaines années, avec des différences
notables entre habitat rural, habitat vertical et centre
ville. Nous nous trouvons encore en période de
tâtonnement et d'essais. Pourtant les citoyens
souhaitent une uniformisation de la gestion des
déchets: critères de tri, couleurs et
logos, modes de financement. Ils ne seront pas toujours
disposés à tout réapprendre à
chaque déménagement.
François Marthaler
Prilly
Pour en savoir
plus
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Systèmes de tri des déchets
pour les ménages
"Peka-Oeko" (photo p. 2), "Müllboy-Bio":
Peka-Metall AG, 6295 Mosen, tél. 041/919
90 70
http://www.peka-system.ch
"Modulobac"(bacs avec couvercles de divers
coloris, 10, 35 et 50 l):
Plastic Omnium AG, 4124 Schönenbuch
tél. 061/481 98 78
http://www.plasticomnium.ch
Conteneurs enterrés
"Molok": voir sponsor p. 5
"Conteneurs-Terriers":
Serbeco SA, 1242 Satigny
tél. 022/341 15 20
http://www.recyclage.ch
"Cityspot": Plastic Omnium AG, voir
ci-dessus.
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