Nº 36 du mois de mars 2001

Bulletin romand d'information sur la diminution et la gestion des déchets

Trier les ordures ménagères dans un immeuble locatif? Possible!

En moyenne suisse, un ménage de quatre personnes génère environ 2 tonnes de déchets par an, dont 1,2 tonne d'ordures à incinérer et 800 kg de matières recyclables. Ces déchets doivent être stockés avant d'être évacués. Et plus on trie, plus il faut de volume de stockage. C'est même là que se situe l'une des principales limites au tri des ordures ménagères. Il y a pourtant des solutions.


 

Les Suisses restent incontestablement parmi les citoyens les plus disciplinés et les plus performants pour le tri des déchets ménagers. Reste qu'il existe une différence de performance entre les quartiers d'habitat collectif et les zones villas ou les campagne périurbaines.

Suite à une expérience de tri de 18 mois dans le XIIIe arrondissement de Paris, la mairie de la capitale française vise un objectif de valorisation "matière" de 17%, le reste étant "valorisé thermiquement". En moyenne suisse, le taux de recyclage (y compris compostage) atteint déjà 42%. Rien que pour le PET, nos compatriotes font largement mieux que d'autres: plus de 75% d'emballages pour boissons recyclés, contre environ 40% en Italie et 20% en France (données 2000). Et pour le verre (85%) ou le papier (65%), les Helvètes restent sur le podium.

Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a plus rien à faire. Une fois que la collecte d'une matière fonctionne à satisfaction, on peut imaginer s'attaquer à une autre: matières plastiques, complexes pour boissons, etc

 


Les citoyens sont-ils prêts à trier plus de 10 matières?

Mais le Suisse modèle trie déjà parfois plus de 10 catégories: incinérables, déchets encombrants, déchets organiques, pain sec (pour les animaux), papier/carton, verre, fer blanc, aluminium, PET, huile de friture, habits usagés, piles, lampes fluorescentes, médicaments, autres déchets spéciaux. Certaines de ces catégories ne représentent que quelques kilos par habitant et par an. Ainsi, par exemple, la poubelle à piles usagées mettra des mois ou des années à se remplir! Il faut admettre que bien des citoyens ne disposent pas de la place nécessaire pour stocker ces différentes sortes de déchets ou refusent de s'imposer une telle discipline. C'est pourquoi, dans bien des régions d'Europe, les collectivités publiques proposent des systèmes simplifiés à trois, quatre ou cinq sacs:

1. incinérables,

2. compostables (si la filière existe),

3. verre (souvent séparément pour ne pas contaminer les autres matériaux et faciliter le tri),

4. papier/carton (parfois acceptés avec l'ensemble des emballages),

5. aluminium, fer blanc, corps creux en plastique, briques pour boissons, EPS, etc.

Ce dernier sac contient principalement des déchets recyclables et peut représenter 10% de la totalité des déchets. S'il comporte aussi le verre et le papier/carton, cette part grimpe à 40% du tonnage.


Une "mini-déchetterie" de cuisine comme celle-ci coûte un peu plus de 200.&endash; francs. Amortie sur 10 ans et sachant qu'elle va recevoir 2 tonnes de déchets par an, l'investissement se justifie pleinement et ne représentera qu'une modeste charge de 10.&endash; francs par tonne. (photo:Peka-Metall AG)


Des tentatives ont déjà été faites dans ce sens en Suisse (voir forum déchets no 22). Mais cette voie n'a pas la cote dans notre pays puisqu'elle passe par l'exploitation de centres de tri dans lesquels les conditions de travail manuel peuvent paraître "indignes". Quant à l'alternative des "robots trieurs", elle suppose des investissements disproportionés avec le peu de valeur de la marchandise travaillée. Pourtant les recherches s'intensifient dans ce sens, soutenues par les progrès de l'identification de forme ou la spectrométrie infrarouge.

 


Multiplier les conteneurs et agrandir les locaux communs

Ainsi, notre pays privilégie-t-il le développement de la "déchetterie de ménage". C'est dans cet esprit que de nombreuses communes offrent des poubelles vertes pour les déchets organiques et/ou des conteneurs à roulettes pour le ramassage des déchets compostables.

Plusieurs fabricants d'agencement de cuisine proposent des systèmes de poubelles à compartiments multiples (jusqu'à six boîtes). Dans la pratique, chaque citoyen invente sa propre systématique, exploitant les sacs, boîtes et autres cartons usagés.

 

Et la responsabilité des producteurs?


Le principe pollueur-payeur est largement admis. Mais qui, du fabricant ou du consommateur, doit être considéré comme le pollueur? Qu'importe, diront certains, puisque le payeur sera toujours le consommateur. En Suisse, l'idée prévaut que le pollueur est le détenteur du déchet et on lui impose une taxe au sac. La tendance en Europe est plutôt de considérer une responsabilité élargie du fabricant par rapport à son produit et, conséquence logique, de lui imposer une participation financière. C'est le système du "point vert". Il permet de financer une large partie des efforts consentis par les citoyens et les collectivités publiques. Dans certaines communes du Jura français, les habitants qui trient mieux leurs déchets peuvent même recevoir une "ristourne" de fin d'année sur la facture déchets. Peut-être devrions-nous exiger plus de la part des fabricants...

Mais il faut bien admettre que le tri des déchets dans les immeubles locatifs se heurte à un problème de place, tant dans les cuisines que dans les locaux dévolus aux conteneurs. Les architectes sont donc invités à réfléchir à cette problématique pour la réalisation de nouveaux bâtiments comme dans le cadre de travaux de rénovation.

 

  
Rien ne remplace la sensibilisation personnelle

La communication écrite est indispensable et doit être faite avec professionnalisme. Au coeur du système se trouve le calendrier communal des déchets. Mais rien ne remplace le contact direct avec les citoyens. En France, la mise en place d'une nouvelle organisation pour la collecte des déchets passe par l'engagement d'ambasadeurs du tri, spécialement instruits pour former et motiver les habitants.

Ce type de mesure coûte cher (1/4 d'heure par ménage) et n'est vraiment efficace qu'à condition d'être répétée au fil des ans. Mais il faut se rappeler qu'un ménage convaincu de l'utilé du tri de ses déchets peut réduire sa production d'ordures à incinérer de 500 kg par an (125 kg par personne). L'investissement dans une capacité d'incinération équivalente représente environ 1000 francs, montant qu'il convient aussi de renouveler tous les 20 ans.

  
Les concierges détiennent aussi la clé du tri réussi

Dans les habitations collectives, il va de soi que ce sont les concierges qu'il faut pouvoir toucher et sur qui l'on doit être en mesure de compter pour motiver les ménages. Même s'ils ne sont pas tous pionniers (voir témoignage en page 4), les concierges sont incontournables et indispensables.

On peut signaler qu'en Suisse alémanique, un module spécial de formation sur la gestion des déchets est prévu dans le cadre des cours conduisant à l'obtention du certificat fédéral de capacité. Comme les exigences en la matière se précisent, on peut imaginer que les cahiers des charges de conciergerie s'étofferont ces prochaines années. Et pourquoi pas un intéressement au résultat pour le concierge qui par son action permet une amélioration nette de la performance du tri?

 

 
Augmenter les fréquences de ramassage ou miser sur l'apport volontaire

Face à la multiplication des critères de tri et parce que le stockage connaît des limites, les services communaux peuvent être amenés à augmenter les fréquences de collecte. On observe, par exemple, qu'en effectuant un ramassage hebdomadaire des vieux papiers plutôt qu'une tournée toutes les quatre semaines, le taux de collecte s'accroît de façon très notable. Cela s'explique par le manque de place dont souffrent les habitants et par le fait qu'un ramassage hebdomadaire est plus facile à mémoriser.

Mais une tournée de ramassage coûte cher, ce d'autant plus que les quantités collectées sont réparties dans le temps.

Reste alors l'option inverse qui consiste à supprimer le ramassage au porte à porte au profit de mini-déchetteries de quartier. C'est le choix qu'a opéré par exemple la commune genevoise de Cartigny. Elle a installé 17 conteneurs enterrés pour les ordures ménagères (aucun citoyen n'a plus de 50 m à faire) et 15 autres conteneurs constituant de véritables déchetteries intégrées dans le paysage urbain où l'on peut se défaire des déchets organiques, du verre, du papier, du PET, de l'alu et du fer blanc, des piles et des habits usagés. L'investissement n'est pas négligeable: environ 10'000.&endash; francs par conteneur. Mais à partir de là les coûts de collecte sont réduits d'un tiers et le taux de recyclage peut doubler diminuant d'autant la facture d'incinération. Cartigny espérait amortir son investissement en douze ans. Après deux mois, le taux de recyclage avait grimpé de 20% à plus de 50% et il se peut donc que l'opération soit finalement plus favorable que prévu.

Bien des projets de déchetteries sont basés sur le même calcul: laisser le citoyen faire un maximum (tri, stockage, transport) en déchargeant d'autant la commune. Hormis le fait que le contribuable finit par traîner les pieds, il faut éviter de tomber dans l'aberration écologique où l'on remplace une tournée de camion par des multitudes de transports en voitures privées.

Nul doute que le tri des déchets et les modes de collecte vont encore évoluer ces prochaines années, avec des différences notables entre habitat rural, habitat vertical et centre ville. Nous nous trouvons encore en période de tâtonnement et d'essais. Pourtant les citoyens souhaitent une uniformisation de la gestion des déchets: critères de tri, couleurs et logos, modes de financement. Ils ne seront pas toujours disposés à tout réapprendre à chaque déménagement.

 

François Marthaler

Prilly

Pour en savoir plus


Systèmes de tri des déchets pour les ménages

"Peka-Oeko" (photo p. 2), "Müllboy-Bio": Peka-Metall AG, 6295 Mosen, tél. 041/919 90 70

http://www.peka-system.ch

"Modulobac"(bacs avec couvercles de divers coloris, 10, 35 et 50 l):

Plastic Omnium AG, 4124 Schönenbuch

tél. 061/481 98 78

http://www.plasticomnium.ch

Conteneurs enterrés

"Molok": voir sponsor p. 5

"Conteneurs-Terriers":

Serbeco SA, 1242 Satigny

tél. 022/341 15 20

http://www.recyclage.ch

"Cityspot": Plastic Omnium AG, voir ci-dessus.

 

 

 

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