Nº 33 du mois de septembre 2000

Bulletin romand d'information sur la diminution et la gestion des déchets

Qu'allons-nous faire des déchets de la "plasticulture" ?

Comme dans d'autres secteurs économiques, l'utilisation de plastiques dans l'agriculture a connu une croissance considérable; ils sont partout aujourd'hui: protection des cultures, emballage du fourrage, biens d'équipement, etc. Si les agriculteurs font toujours plus appel à ces matières, c'est qu'ils en tirent de substantiels avantages économiques et pratiques. Par contre, cela amène de nouveaux problèmes d'élimination. Contrairement à d'autres déchets des exploitations agricoles, les matières synthétiques ne peuvent ni être recyclées ni éliminées sur place.


 

Avec un total 700'000 t/an, les déchets plastiques constituent en Suisse une catégorie presque aussi importante que le carton ou le verre. Les plastiques agricoles y contribuent pour 28'000 t/an (dont un quart de plastiques d'ensilage), alors qu'il n'y en avait que 12'000 t/an en 1996. Ces flux assez faibles (environ 1 % du total des déchets produits en Suisse et environ 25 % des déchets produits par les paysans) recouvrent des réalités forts différentes. Alors qu'on peut imaginer qu'un paysan puisse se débarrasser de ses quelques sacs d'engrais et feuilles d'ensilage discrètement dans la collecte des ordures ménagères ou des déchets encombrants, il n'en va pas de même pour un maraîcher ou un paysan spécialisé dans la production laitière.

Depuis quelques années déjà, le secteur agricole se penche sur ces déchets. Ainsi, la Station fédérale de recherche de Tänikon a entrepris en 1995 des essais de collecte des plastiques d'ensilage (balles rondes). L'étude portait sur les conditions de collecte, les coûts, l'acceptation du système par les agriculteurs et les débouchés de valorisation.

 


Des déchets recyclables, mais fortement souillés

Cette étude nous apprend, entre autres, que les déchets collectés contenaient en moyenne 29 % de résidus (terre, humidité, herbe). En d'autres termes, pour une balle ronde réalisée avec 1 kg de feuille plastique, il faut compter avec 1,4 kg de déchets de feuille plastique souillée en moyenne. Cela nécessite des installations de lavage pour recycler les feuilles. Il est relevé en outre qu'une distance moyenne de 7 km est un maximum pour assurer la participation des agriculteurs. Il faut donc un réseau de collecte dense (de l'ordre de 300 à 400 points de collecte pour toute la Suisse). Cela est justifié également par les faibles tonnages produits dans chaque exploitation (de 10 à 220 kg par livraison).


Des milliers de tonnes disséminées sur des milliers de kilomètres carrés

L'entreprise de recyclage, Polyrecycling, qui a participé aux essais, a mis en place un système de collecte. Celui-ci repose sur la vente de sacs taxés, que le client peut utiliser pour mettre les feuilles plastiques usagées (système similaire à celui organisé pour les feuilles plastiques de la construction). Aujourd'hui, InnoPlastics AG (anciennement Polyrecycling) cherche à étendre son réseau en Suisse romande, mais rencontre peu de succès pour l'instant (voir encadré "Elimination en ordre dispersé").

Elimination en ordre dispersé

Les paysans ne sont pas égaux face à la tâche d’élimination de leurs plastiques. A Echallens (VD), ce sont des "déchets professionnels", ils ne sont donc pas acceptés à la déchetterie communale. Dans le canton du Jura, les plastiques agricoles sont tolérés dans les ordures ménagères, avec éventuellement un supplément de la taxe de ménage. Dans le canton de Fribourg, certaines communes acceptent ces déchets. D’autre part, le canton veille, lui, à ce que les communes interviennent en cas d’incinération en plein air. A Yverdon, des sacs pour la récupération des plastiques ont été vendus par la STRID, mais sans suite (aucun n’est revenu…). De leur côté, les frères Stoll, maraîchers dans la même ville, assument eux-mêmes l’élimination de leurs plastiques (transport par bennes en usine d’incinération) et ne comprennent pas pourquoi tous les agriculteurs ne sont pas logés à la même enseigne. A noter que les centres Fenaco-Landi, fournisseurs pour l’agriculture, reprennent de leurs clients réguliers les sacs d’engrais (ceux-ci sont retrournés depuis Bâle, par péniches, jusqu’aux Pays-Bas pour y être recyclés). Pour la recupération des plastiques d’ensilage, il n’y a, à notre connaissance, que Gross Gaston et fils à Ecuvillens (FR) et Fernand Andrey, entreprise de travaux agricoles, à St-Sylvestre (FR), mais uniquement pour leurs clients. Tous deux utilisent la filière de Innoplastics (voir page "Sponsor").

Pour assurer ce service de proximité, les entreprises de travaux agricoles paraissent la solution idéale. Ce sont elles qui effectuent l'enrubannage des balles chez les agriculteurs de leur région; elles savent donc qui doit éliminer ce genre de déchets.

 


Enrubannage sur le lieu de production. La reprise du plastique ne coûterait pas cher.

 

Utilisation de polyéthylène pour la protection. Déchets souillés, mais recyclés.


Dans le Seeland fribourgeois et bernois, à l'initiative des centrales cantonales de la culture maraîchère et des organisations de producteurs, des campagnes spéciales sont organisées au printemps (vers la fin mai) pour collecter les feuilles plastiques usagées des maraîchers. Les revendeurs de la région de Ried et d'Anet acceptent pendant trois jours les feuilles plastiques usagées de leurs clients. Ils ne leur facturent que le prix de revient de l'élimination (en usine d'incinération), soit environ Fr. 400.-/t (chiffres de 1996). Même à ce prix, la charge n'est pas jugée excessive pour le maraîcher, compte tenu du faible poids des plastiques utilisés. En effet, cela équivaut à environ Fr. 33.- par hectare cultivé et par an.

 


Beaucoup de polyéthylène, mais ce n'est pas tout

La matière de base la plus courante est le polyéthylène (PE). Il sert à la protection des cultures maraîchères et à l'ensilage. D'autres polymères ou mélanges, par ex. le copolymère éthylène-vinyl-acétate, sont utilisés en combinaison avec une large gamme d'adjuvants pour faire des produits "sur mesure". Dans le cas des feuilles pour l'enrubannage, le PE est généralement combiné avec un adhésif, le polyisobutylène (PIB), qui permet d'obtenir une balle plus hermétique. Par contre, le film usagé a tendance à coller les déchets,de plus lors de la regranulation, le PE et le PIB se retrouvent mélangés ce qui rend impossible un recyclage dans la même application.

 

 

Beaucoup d'avantages


Assurer l'étanchéité du fourrage emballé, protéger les cultures du froid et des intempéries, protéger le sol contre l'érosion, limiter le développement des mauvaises herbes, protéger certaines récoltes des insectes ou des oiseaux : le plastique trouve de nombreuses applications dans l'agriculture (surtout la culture maraîchère). Certes, d'autres matériaux peuvent remplir certaines des fonctions ci-dessus, mais la légèreté du plastique lui donne un avantage certain pour les applications saisonnières et/ou celles nécessitant de la manutention.