Nº 32 du mois de juillet 2000

Bulletin romand d'information sur la diminution et la gestion des déchets

Application de l'OREA : sommes-nous au courant ?

Il y a deux ans de cela, le 1er juillet 1998, entrait en vigueur une ordonnance, l'OREA, fixant la reprise et le recyclage des appareils électriques et électroniques (voir "Forum Déchets" n° 21). L'enjeu de cette ordonnance était clair : réussir à stopper la mise en décharge et l'incinération des appareils électriques et électroniques, qui contiennent de nombreux toxiques et un gros pourcentage de métaux valorisables. Les outils sont la reprise par les fabricants et les commerces et le traitement, incluant un démontage, un tri et une valorisation, par des entreprises spécialisées. L'heure est venue de faire un bilan.


 

Les déchets électriques et électroniques représentent une quantité approximative de 120'000 tonnes par année. Ceux-ci se retrouvaient dans les déchets encombrants et avaient deux principales destinations : la mise en décharge et l'incinération. Dès le 1er juillet 1998, la situation a changé, suite à la parution de l'OREA qui permet un traitement réfléchi de ce type de déchets. Le principe sur le papier est simple : les fabricants et les commerces ont l'obligation de reprendre les appareils obsolètes. Ceux-ci sont ensuite traités par des entreprises spécialisées (démontage, tri complet, valorisation et traitement approprié des éléments triés). Les communes sont déchargées du ramassage, car les appareils ne doivent plus se retrouver en bordure de chaussée avec les objets encombrants. Cependant, après deux ans de mise en pratique, le bilan que l'on peut tirer en prenant contact avec les différentes parties concernées semble moins flatteur que la théorie.


Le principe est simple : garantir un démontage, un tri et un recyclage maximum

En effet, si l'on se place du côté du consommateur, la base légale est claire, elle l'oblige à rapporter ses appareils usagés chez un fabricant, un importateur, un commerçant ou une entreprise d'élimination. Cependant, comme le confirme un sondage de l'OFEFP (voir encadré), le consommateur semble très mal informé, même si certains commerces ont, en collaboration avec la S.EN.S (Stiftung Entsorgung Schweiz, qui gère la reprise des frigos et un des systèmes de reprise des appareils électriques et électroniques), créé une plaquette d'information sur leur mode de reprise des appareils. Elle explique assez brièvement les raisons de cette récupération, mais manque certainement de clarté, surtout dans la définition des termes qui fixent les enjeux de cette politique de récupération (le recyclage est confondu avec la récupération, par exemple). De plus, ces plaquettes ne sont pas distribuées ouvertement et ne sont pas mises en évidence de manière aussi efficace que la publicité vantant le dernier téléphone portable par exemple. Cela a, entre autres, comme conséquences pour le consommateur, une relative méconnaissance du système de récupération et donc un refus de jouer ou plutôt de "payer le jeu". Certains commerces nous avouent volontiers leur retenue à promouvoir ce système de récupération, parce qu'il met en évidence, au premier abord, un coût supplémentaire pour le client ou pour le commerce suivant le financement adopté pour la reprise.


Certains acteurs de la distribution se sont opposés à la réglementation du financement

Lors de l'établissement de l'OREA aucune mention ne fixait les règles du financement. La question est pourtant simple : "qui paie la reprise et le recyclage des appareils électriques et électroniques ? " Une des raisons de cette lacune a été le refus, de certains acteurs de la distribution, d'accepter l'instauration de règles de financement.


Broyeur d'appareils électriques et électroniques (auparavant dépollués) de l'entreprise CABLOFER SA à Bex. Cette machine a une capacité de 3,5 à 4 tonnes par heure. Les manipulations qui suivent le broyage sont une séparation des métaux ferreux puis une séparation du plastique et des métaux non-ferreux valorisables.


Certains commerces ont donc adopté une politique radicale : tous les appareils sont repris, mais le consommateur passe à la caisse. En effet, les prix sont définis à l'avance soit en fonction du poids de l'appareil, soit en fonction du type d'appareil. Le gros problème réside dans la définition des prix. Chacun l'a fait selon ses estimations, suite à une période d'observation entre concurrents, lors de la mise en vigueur de l'ordonnance fédérale.


Les prix de reprise varient d'un distributeur à l'autre

Dès lors, les prix ne sont pas partout identiques. Ici on vous reprend votre magnétoscope à fr. 15.-, car il pèse moins de 20 kilos, alors que là vous paierez fr. 20.-, car il entre dans tel type de catégorie de la liste de prix. Ailleurs, peut-être que l'on vous le reprendra gratuitement parce que vous rachetez un équipement complet et que vous insistez un peu sur la reprise sans frais de votre ancien matériel. En effet, le calcul est vite fait : est-il plus avantageux de rester campé sur le principe de la taxe de reprise, ou éviter de perdre un client en offrant la reprise ? Une grande chaîne de magasins a une politique encore légèrement différente ; au niveau du secteur vente la reprise de tout appareil est gratuite, uniquement s'il y a rachat d'un appareil neuf. Au niveau du service après-vente, lors d'une réparation d'un appareil, un devis est réalisé gratuitement. Si le client décide, suite au devis, de ne pas faire réparer son appareil et qu'il en fait don au commerce, il se verra soulagé des frais de recyclage. Dans ce cas précis c'est le commerce qui passe à la caisse. Les tendances sont donc multiples.

 

Sondage auprès des consommateurs

Ce sondage a été réalisé sur mandat de l'OFEFP en mai/juin 2000. "Une grande incertitude règne lorsqu'il est question de l'élimination des appareils électriques; 42 % des personnes interrogées avouent hésiter à ce sujet, voire ne pas savoir comment faire, 7 % ne sont au courant de rien." "Les plus jeunes (15 à 29 ans), en particulier les moins de 18 ans s'avèrent les moins bien informés. De même parmi les étrangers beaucoup ne connaissent abolument pas cette filière." "Un peu plus de 60 % des personnes interrogées n'ont jamais rendu d'appareil à un commerçant, seulement 5 % en ont déjà rapporté plusieurs. Selon des estimations, deux tiers des vendeurs étaient informés de l'obligation de reprise par les commerces". "De manière générale, les Suisses alémaniques sont mieux informés que les Suisses romands." "Les autorités communales, cantonales et l'OFEFP, sont les plus sollicités pour fournir des informations. Les commerces sont nettement en deça."

L'OREA, comme vu auparavant, laisse la liberté de choix à chacun. Mais pourquoi cette taxe n'est-elle pas prélevée en amont sous forme d'une taxe anticipée de recyclage pour tous les appareils concernés par l'OREA ? Encore une fois, la réponse est que les divers acteurs et distributeurs n'ont pas réussi à trouver un accord tant la concurrence est féroce dans ce domaine.

 

L'OFEFP menace d'introduire une taxe anticipée

Cependant, l'OFEFP a menacé, encore dernièrement lors d'une conférence de presse le11 juillet 2000, d'introduire une taxe anticipée de recyclage, s'il est confirmé que la récupération des appareils électriques et électroniques est compromise, entre autres, par un manque de transparence au niveau des taxes. La garantie SWICO (Association Economique Suisse de la Bureautique, de l'Informatique, de la Télématique et de l'Organisation) fonctionne selon le principe de la taxe anticipée de recyclage. Elle assure la reprise gratuite et le recyclage de tous les appareils électroniques de bureau (ainsi que les téléphones portables et les appareils de l'industrie graphique), s'ils sont retournés chez un revendeur d'appareils fabriqués ou importés par les signataires SWICO (importateurs et fabricants ayant signé la convention). Ce procédé est financé par le prélèvement d'une taxe anticipée au moment de l'achat de l'appareil. Cependant, là encore il y aurait des progrès à faire, car certains rares revendeurs (pas les plus petits) n'adhèrent pas à ce système même s'ils sont revendeurs d'appareils importés ou fabriqués par des signataires SWICO. Ces distributeurs paient la taxe au moment de l'achat des appareils, mais ne la reportent pas sur le prix de vente. Le consommateur va donc payer une taxe de récupération lorsqu'il retournera son appareil en fin de vie à son distributeur. Il peut, cependant, profiter de la présence de centres de collecte (mis en place par SWICO et Cargo Domicile pour faciliter la remise des appareils par les particuliers), où, jusqu'à concurrence de 50 kg, les appareils conformes aux conditions SWICO sont repris gratuitement. Ainsi, on remarquera que le consommateur ne paie à aucun stade une taxe de recyclage.

Grands principes de l'OREA


Domaines concernés

- électronique de loisirs

- électronique de bureau

- électroménager

Buts

- diminuer les concentrations de métaux lourds et autres polluants dans les déchets urbains

- favoriser une valorisation de la matière

Obligations

- le détenteur doit restituer son appareil à un commerce, un fournisseur ou une place publique de collecte

- le commerce a l'obligation de reprendre les appareils du même type que son assortiment

- le fabricant a l'obligation de reprendre les appareils de même marque

Exigences d'élimination

les composants polluants sont triés et éliminés séparément, les métaux sont valorisés, le reste (si non valorisable) est incinéré

Exportation soumise à autorisation

à définir : type et quantités d'appareils,nom et adresse de l'entreprise d'élimination, preuves de l'élimination respectueuse de l'environne-ment,preuve que l'exportation a été notifiée au pays de destination

 

POUR EN SAVOIR PLUS

Instructions concernant l'OREA,OFEFP, commande par fax au 031/324 02 16

 

Le consommateur se perd et les objectifs de l'OREA ne sont pas complétement atteints. L'exemple le plus démonstratif est celui des communes qui étaient censées ne plus devoir se préoccuper de la récupération des appareils électroniques lors des ramassages des objets encombrants, puisqu'ils doivent être retournés chez les distributeurs. Pourtant, même si la situation a évolué, plusieurs communes retrouvent encore régulièrement des appareils sur les trottoirs ou dans les "poubelles de la ménagère" et doivent les traiter à leurs frais (voir la rubrique "Point de vue", page 4). Il est donc clair que les améliorations de la filière sont à porter à l'étape "consommateur-repreneur", l'infrastructure de récupération et de traitement étant quant à elle en plein essor et semblant être de plus en plus efficace. Quand bien-même il y a toujours des progrès à faire pour optimiser un traitement le plus respectueux possible de l'environnement . Quelque 200 entreprises de Suisse ont obtenu de leur canton une autorisation d'exploiter une installation d'élimination d'appareils usagés. La plupart d'entre elles ne gèrent qu'un site de stockage provisoire (83 entreprises) ou procèdent à un démontage manuel grossier (104 entreprises). Dans le cas de treize entreprises, les appareils sont transformés en fractions recyclables par démontage manuel ou mécanisé. Chaque fraction étant traitée ou valorisée séparément.

 


Le secteur de la reprise et du traitement est en plein essor

Ces entreprises spécialisées constatent une nette augmentation du volume à traiter. Plusieurs entreprises engagent du personnel, alors que la VSMR (Association suisse de recyclage du fer et du métal ) parraine une nouvelle formation de trois ans de "recycleuses/recycleurs". Il est donc très important de privilégier l'information de la population et d'uniformiser le système de récupération en utilisant des outils comme la taxe anticipée de recyclage. L'enjeu est le respect des objectifs de l'OREA au travers d'une responsabilisation des fabricants et d'une sensibilisation des consommateurs.

 

Florian Haenggeli

BIRD, Prilly

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