La filière de récupération et de
valorisation des huiles minérales usagées
est l'une des plus anciennes. Elle est apparue au cours
de la Seconde Guerre mondiale pour contourner le manque
de matières premières.
ODS 1471 : huiles
minérales à
régénérer
ODS 1741 :
huiles ou graisses comestibles
Trente ans plus tard, la filière s'est à
nouveau organisée à la suite du premier
choc pétrolier. Toutes utilisations confondues,
sur un volume de lubrifiant donné, 56% sont
brûlés ou évaporés et 44% se
retrouvent sous forme d'huiles de vidange. Les
propriétés des huiles dépendent des
méthodes de fabrication et des additifs (plomb,
phosphore, zinc, cadmium et chlore). Une huile contient
entre 5 et 25 % d'additifs qui vont se concentrer dans
les huiles usagées.
La filière de récupération met en
jeu trois partenaires successifs: les détenteurs
d'huiles usagées (comme les garages), les
entreprises de collecte et les éliminateurs.
Qui dit
huiles...
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Huile de moteur, huile comestible, huile
solaire, huile essentielle
Les produits
appelés " huiles " n'ont parfois
chimiquement rien de comparable les uns avec les
autres. Les huiles et graisses
alimentaires sont composées de
lipides. En cosmétique, tout comme dans
l'alimentation, on utilise des huiles
végétales, pour leur teneur en
acides gras, car leur texture est adaptée
à une application cutanée.
Les huiles de moteur contiennent des
hydrocarbures, dérivés du
pétrole. Les huiles essentielles,
utilisées pour les massages ou en
inhalation, sont des hydrocarbures
aromatiques.
Mais ces produits ont un point en commun :
ils sont insolubles dans l'eau.
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L'huile usagée peut être traitée
par les filières suivantes:
La régénération (ou
re-raffinage) qui consiste, via un traitement dans une
installation dédiée, à fabriquer une
huile de base, semblable aux huiles de base neuves. Les
huiles sont déshydratées par distillation
sous pression atmosphérique, puis distillation
sous vide ; puis les dernières particules
métalliques et hydrocarbures indésirables
sont absorbés par un procédé
d'hydrogénation ou par un procédé de
filtres composés de terres "activées".
Après quoi, deux voies sont possibles. Soit
l'huile est directement remise sur le marché, soit
les producteurs d'huile sont obligés d'incorporer
un certain pourcentage d'huiles
régénérées dans les huiles
neuves.
Le recyclage en raffinerie qui permet,
après distillation, d'enlever le chlore et de
refabriquer un produit pétrolier de base.
L'utilisation des huiles comme combustible, que
ce soit en cimenterie, dans des centres
d'incinération de déchets industriels
spéciaux ou encore dans une station d'enrobage de
bitume ; intéressante du fait de leur très
haut pouvoir calorifique.
L'utilisation d'huiles comme carburant
spécifique pour la co-génération
avec production d'électricité ou
l'utilisation directe dans des moteurs marins.
Les quantités d'huile faisant l'objet d'une
combustion illégale (par exemple pour chauffer les
serres) sont difficilement chiffrables, mais non
négligeables (voir encadré).
Quelques
chiffres
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L'organisation européenne des
compagnies pétrolières pour
l'environnement, la santé et la
sécurité (CONCAWE) a
calculé pour l'année 1993,
qu'en Europe de l'Ouest sur 5,3 millions de
tonnes de lubrifiants vierges
utilisés, 2,7 millions étaient
consommées par l'utilisation
(évaporation, combustion) et 1,5
millions collectées comme huiles
usées. Restent 1,1 millions de tonnes
échappant à la
statistique...
Un litre d'huile minérale rend
impropre à la consommation 1 million
de litres d'eau et peut recouvrir une surface
d'eau de la taille d'un terrain de football,
privant la vie aquatique de lumière et
d'oxygène.
En 1996, en Suisse, 20 % des huiles
comestibles usagées retraitées
étaient destinées aux
industries chimiques, qui les ont
utilisées dans la fabrication du savon
et des matières auxiliaires pour les
peintures et les vernis. Les 80 % restants
étaient utilisés dans
l'industrie fourragère.
En ne prenant en compte que les deux
principales catégories de
déchets contenant des substances
huileuses ou graisseuses, on constate
qu'elles représentent plus de 10% des
déchets spéciaux produits en
Suisse en 1998. Si les progrès
techniques ont permis d'augmenter la
durée nécessaire entre deux
vidanges d'huile de moteur : ils ont
malheureusement été en partie
contrebalancés par l'augmentation du
trafic.
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Les taux de
régénération varient beaucoup
en Europe: moins de 5% au Royaume Uni ou en Suisse,
plus de 80% en Italie
Diverses études, dont celle menée par la
CONCAWE (l'organisation européenne des compagnies
pétrolières pour l'environnement, la
santé et la sécurité), concluent que
la régénération est la meilleure
filière pour l'élimination des huiles
usagées. Pourtant, avec une moyenne de 30%, cette
filière donne en Europe des résultats
décevants.
Seule l'Italie mise sur elle par la combinaison
d'investissements importants, d'une fiscalité
incitative (les huiles
régénérées sont deux fois
moins taxées que les huiles neuves) et de l'emploi
d'huile régénérée dans la
flotte de véhicules de l'administration.
Depuis que la chaîne existe
(18e siècle), elle est lubrifiée. La
chaîne verte® n'a plus besoin d'huile. Une
technologie écologiquement intéressante
si ses composants ne posent pas plus de
problèmes à la production et à
l'élimination que l'huile elle-même?
Ailleurs la régénération souffre
de l'intérêt des cimenteries pour une source
d'énergie à très haut pouvoir
calorifique (estimé à 98% de celui du fuel
lourd) et à bas prix, mais aussi d'un contexte
d'excédent. Pour des raisons tenant tant à
la qualité des huiles (la durée
d'utilisation d'une huile a été
multipliée par 5 en vingt ans), qu'aux
investissements réalisés dans le monde (et
particulièrement aux Etats Unis), il y a
aujourd'hui une importante surcapacité de
production d'huile, tout particulièrement en
Europe.
Scandale de la
dioxine : quand la filière des huiles
minérales rejoint celle des huiles
comestibles
Il y a tout juste un an en Belgique éclatait le
scandale de la dioxine. Les farines animales étant
constituées de 1 à 3 % de matières
grasses, une entreprise d'aliments pour le bétail
faisait la tournée des déchetteries
communales pour y récupérer les huiles de
friture usagées stockées dans des citernes,
dont une avait été contaminée par
une huile en provenance d'un transformateur
électrique au pyralène, produit hautement
toxique et cancérigène.
Huile minérale ou huile
végétale?
Suite à ces événements, l'Office
fédéral de l'environnement, des
forêts et du paysage a interdit l'utilisation des
huiles comestibles collectées dans les
déchetteries publiques pour la fabrication de
fourrage. En effet, les containers pour les huiles
comestibles usagées et ceux pour les huiles
minérales se côtoyant, des confusions sont
possibles.
L'Ordonnance sur les déchets spéciaux
est en révision totale. La nouvelle ordonnance
déterminera si une huile comestible usagée
destinée au fourrage et ayant la qualité
d'une denrée alimentaire ne devrait pas faire
exception à cette réglementation ; ce qui
supposerait que le contrôle de sa qualité
serait effectué par les inspecteurs des
denrées alimentaires.
Les villes
romandes ont des politiques différentes pour
l'élimination des huiles provenant des
restaurants
Une rapide enquête auprès de quelques
administrations permet de constater que les politiques en
matière de récupération des huiles
comestibles varient d'un endroit à l'autre, sauf
en ce qui concerne les collectes communales dont les
huiles végétales ou minérales sont
obligatoirement incinérées.
Pour les huiles des restaurants (sauf celles des
grandes chaînes qui ont leur propres
filières), la politique de la ville de Lausanne
est l'incinération. "La récupération
d'huile de bonne qualité est très
difficile. De plus, cela permet aussi d'éviter les
déversements intempestifs d'huiles usées
dans les séparateurs des restaurants, car le
coût de reprise des huile en vue de
l'incinération est beaucoup plus faible qu'en vue
d'un recyclage."
Genève, quant à elle, mise sur le
recyclage des huiles de restauration. "Chaque fût
est analysé et seuls ceux contenant moins de 30
ppm d'huile minérale sont utilisés pour
l'agro-alimentaire ou la cosmétique, ceux
contenant entre 30 et 200 ppm sont destinés au
biogaz ou biodiesel."
Les particuliers
sont souvent peu motivés à
éliminer séparément leurs
huiles de cuisine usées
La récupération des huiles alimentaires
auprès des particuliers est faible. Et ce n'est
certainement pas la crise de la dioxine et l'image
négative du tri qu'elle a véhiculée
qui lui permettra de progresser. Sauf peut-être
s'il était possible d'évacuer les huiles
avec les ordures ménagères, dans des
bouteilles fermées et clairement
étiquetées, comme le fait la ville de
Thoune.
Anne-Claude Imhoff
BIRD, Prilly
Pour en
savoir plus
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Best Available Technology (BAT)
Treatment Options for Waste Oil
L'Institut flamand de recherche
technologique a analysé 11
systèmes de traitement des huiles
minérales usagées, en comparant
les impacts environnementaux et les aspects
techniques et économiques. Le rapport
(ISBN 90 382 0211 3) est publié par
Academia Press, Eekhout 2, B-9000 Ghent. Il
peut être lu sur
www.emis.vito.be/BBT/index.htm
FEUILLE D'INFORMATION
L'Ecole d'Etudes sur les Ressources et
l'Environnement de l'Université de
Dalhousie au Canada donne des suggestions
intéressantes quant à la
Réduction/Réutilisation/Récupération
et au Recyclage des huiles usées au
niveau des entreprises. A lire sur le net:
www.ns.ec.gc.ca/french/epb/pollprev/wm_factsheets/wasteoil.html
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