Le pneu est un produit extraordinairement complexe
qui doit répondre à des contraintes
très diverses et parfois contradictoires. Sa
composition est à l'image de cette
complexité: 48% de caoutchouc (mélange
variable de latex naturel et de matière
synthétique), 22% de noir de carbone, 15% d'acier,
5% de fibres textiles, 1,2% d'oxyde de zinc, 1% de
sulfures, 8% d'additifs. En Suisse, les seules voitures
de tourisme utilisent plus de 5 millions de pneus par an!
Certains sont réutilisés: bac à
fleur, balançoire, protection des bateaux,
etc.
Des récupérateurs sillonnent le pays
avec des camionettes, ramassant dans les garages et chez
les marchands spécialisés des lots de pneus
de qualité très variable. Leur objectif
n'est pas tant d'offrir un service aux garagistes
&endash; contre rémunération &endash; mais
de récupérer les pneus susceptibles
d'être revendus tels quels ou utilisés par
des usines de rechapage. Traditionnellement, ils
reprennent le lot complet et trient chez eux.
Un
travail de fourmis à la rentabilité
problématique
La part des pneus de valeur a chuté ces
dernières années. Le rebut du tri a
passé de 50% à 75% et les
récupérateurs doivent percevoir une finance
d'élimination de 2.&endash; francs par pneu. Mais
des exceptions sont faites et l'enlèvement des
pneus reste gratuit pour les lots intéressants. A
contrario, les carcasses d'un garage Mercedès ne
valent rien (les clients de la marque ne roulent pas sur
du rechapé), tout comme les pneus "taille basse"
(le marché africain ne saurait qu'en faire).
"Profil" ou
"carcasse" ?
C'est l'affaire
des spécialistes
Une fois au dépôt, les pneus sont
triés en plusieurs étapes. Après
élimination du déchet, un second tri permet
d'aiguiller les pneus sur les diverses
filières:
a réutilisation en Suisse
(après éventuelle réparation
d'une perforation),
b réutilisation à l'exportation
(Afrique, Amérique latine, Europe de
l'est),
c rechapage.
Les groupes a) et b) constituent le "profil". Avec
plus de 4 mm, le pneu sera contrôlé, mis en
pression, nettoyé, repeint et proposé comme
occasion. Mais il faudra naturellement les appareiller,
ce qui constitue en soi un casse-tête sachant qu'il
existe des centaines de dimensions et des centaines de
marques et de dessins! Les autres seront regroupés
par degrés d'usure et par dimensions. Les prix de
vente à l'exportation s'échelonnent de
5.&endash; à 12.&endash; francs.
Chez
Frassa à Martigny, l'inspection minutieuse
d'une carcasse destinée au rechapage prend 1
à 2 minutes. Après quoi il faut
attribuer les carcasses à tel ou tel
rechapeur en fonction de sa demande
momentanée et les appareiller, les classer
par marque, dimensions et qualité. Comme
pour d'autres déchets, la valorisation passe
par un tri
spécialisé.
Les "carcasses" destinées aux rechapeurs sont
triées selon d'autres critères encore. Ici
ce n'est pas le profil qui compte, mais l'état du
"talon", les blessures sur le flanc ou les fentes
invisibles dans la bande de roulement. Valeur marchande:
de 3.&endash; à 5.&endash; francs pour un pneu
tourisme.
Du bac
à fleur aux projets les plus fous
d'aménagement du territoire
En France, le Laboratoire Central des Ponts et
Chaussées a développé le
procédé Pneusol pour utiliser les pneus
comme éléments pour des murs de
soutènement. A La Réunion, cette technique
permet de gagner des hectares constructibles dans des
terrains en pente tout en recyclant des déchets.
Une association québécoise défend un
projet "Reverdir le désert" consistant à
créer des barrières de verdure
plantées dans des tranchées bourrées
de pneus retenant l'eau des quelques pluies annuelles. On
utilise aussi couramment des assemblages de vieux pneus
dans les aménagements de décharges
(drainage et protection de la couche étanche).
Mais ces pratiques ne sont-elles pas en contradiction
avec l'interdiction de mise en décharge?
Rechapage:
recommandé par tous, mais en perte de
vitesse
Le rechapage, qui consiste à vulcaniser un
nouveau profil sur la carcasse, permet de
récupérer 80% de la masse du pneu et
réduit dans une même proportion la
consommation d'énergie de fabrication. Il est de
loin le mode de valorisation qui présente le
meilleur rapport coût/bénéfice. En
1994, la Commission Européenne souhaitait
accroître la part du rechapage à 25% avant
l'an 2000. L'arrivée en masse de pneus "bas prix"
a eu l'effet inverse et ce taux n'est plus que de 12%.
Mais attention, la disparition du marché du
rechapage mettrait aussi en péril le fragile
équilibre économique de la collecte!
UIOM,
cimenterie, pyrolyse. Ou quand le torchon brûle
mieux que le pneu
L'incinération des pneus uagés en
UIOM pose des problèmes (pouvoir calorifique trop
élevé, suies, métaux lourds) et on
lui préfère l'incinération en
cimenterie. Le four cimentier présente de nombreux
avantages: il fixe les métaux lourds dans le
clinker et ne laisse aucun résidu. Pneus entiers
ou broyés, introduire un tel combustible dans un
four ne va pas sans coûts. L'idéal est de le
transformer par pyrolyse en gaz, huile combustible et
résidu carboné valorisable. Pour l'heure,
la cimenterie de Wildegg, qui vient de s'équiper
d'une telle installation, connaît des
problèmes.
Broyage,
cryobroyage, micronisation. Et
après?
La concurrence est vive entre fournisseurs
d'équipements de broyage des pneus usagés.
Plus vive qu'entre les industries utilisatrices de
granulat ou de poudrette!
Chez Rupp SA
à Vevey, qui fournit plus de 50% du
marché suisse, le rechapage est devenu une
activité industrielle faisant appel aux
machines à commande numérique et au
contrôle de qualité par imagerie à
ultrasons. Mais il reste très intensif en main
d'oeuvre en regard des nouvelles usines de
pneumatiques entièrement
automatisées.
Aires de jeux et de sport, pneus pleins, fabrication
de peintures et de colles résistant aux chocs, les
usages sont très nombreux, mais limités en
quantités. C'est pourquoi les Etats-Unis vont
imposer aux manufacturiers l'usage d'un pourcentage
croissant de caoutchouc de récupération
dans les pneus. L'Europe, elle, lorgne vers les travaux
publics et les chemins de fer.
Travaux
publics et construction exitent les
convoitises
Depuis quelques années, des essais ont
été menés sur des revêtements
de route incorporant de la poudrette de pneu. Les
émissions sonores sont très réduites
(-8 dB (A)). Avec une utilisation de 2 500 pneus par
kilomètre d'autoroute, les projets
européens pourraient engloutir la totalité
de l'excédent. Mais il y a mieux: la paroi
anti-bruit haute de 3 mètres en avale 20 000 par
kilomètre. Il serait laborieux de faire le tour
complet des matériaux de construction à
base de pneu. Mais tous ces projets ont un point commun:
on ne dit pas comment, le jour venu, ces produits seront
recyclés...
François Marthaler
BIRD, Prilly
Pour en savoir
plus
Analyse
coût/bénéfice
Une étude « Car recycling in Europe
» (Institut pour les études
environnementales, Vrije Universiteit, Amsterdam, NL)
a opéré une analyse
coût-bénéfice élargie
donnant un classement des différentes options
de valorisation des pneus usagés:
1. rechapage à chaud (150o à
180oC)
2. rechapage à froid (100oC)
3. broyage mécanique
4. cryobroyage
5. utilisation en génie civil
6. pyrolyse
7. incinération en cimenterie
L'étude peut être commandée
à pieter.van.beukering@ivm.vu.nl.
RECUPERATEURS:
Pneus Claude SA, 1242 Peney-Satigny, tél.
022/753 14 05
Bel-Gom, 1373 Chavornay
tél. 024/441 17 42
Jean-Pierre Stucky, 1700 Fribourg
tél. 026/481 38 28
Autopneu-Serra, 1890 St-Maurice
tél. 024/485 18 83
Pneus Export Frassa, 1920 Martigny
tél. 027/722 43 43
USINES DE RECHAPAGE:
Pneus Rupp SA, 1800 Vevey
tél. 021/925 00 00
http://www.pneusrupp.ch
Tyvalug SA, 1800 Vevey
tél. 021/921 49 61
ASSOCIATIONS:
European Tyre Recycling Association (ETRA), Paris
(F)
tél. 0033-1/45 00 37 77
http://www.etra-www.org
Association Suisse du Pneu (ASP)
Zurich, tél. 01/271 90 90
http://www.pns.ch