Nº 29 du mois de janvier 2000

Bulletin romand d'information sur la diminution et la gestion des déchets

Recyclage des pneumatiques usagés

"Qui ne peut peneut..."

En 1998, les pays de l'Union Européenne ont mis en décharge plus d'un million de tonnes de vieux pneus (40% du total) qui sont allés rejoindre un stock évalué à 3 milliards d'unités. Il sera difficile de respecter la directive européenne qui interdit leur mise en décharge dès 2003. Ainsi, tout projet de valorisation est bienvenu et bénéficiera d'un appui public. La Suisse pourrait fanfaronner. La mise en décharge est marginale et les cimentiers s'engagent à brûler la moitié des 60'000 tonnes annuelles. Mais l'exportation est très importante et aucun projet de recyclage ne trouve le soutien politique nécessaire.


 

Le pneu est un produit extraordinairement complexe qui doit répondre à des contraintes très diverses et parfois contradictoires. Sa composition est à l'image de cette complexité: 48% de caoutchouc (mélange variable de latex naturel et de matière synthétique), 22% de noir de carbone, 15% d'acier, 5% de fibres textiles, 1,2% d'oxyde de zinc, 1% de sulfures, 8% d'additifs. En Suisse, les seules voitures de tourisme utilisent plus de 5 millions de pneus par an! Certains sont réutilisés: bac à fleur, balançoire, protection des bateaux, etc.

Des récupérateurs sillonnent le pays avec des camionettes, ramassant dans les garages et chez les marchands spécialisés des lots de pneus de qualité très variable. Leur objectif n'est pas tant d'offrir un service aux garagistes &endash; contre rémunération &endash; mais de récupérer les pneus susceptibles d'être revendus tels quels ou utilisés par des usines de rechapage. Traditionnellement, ils reprennent le lot complet et trient chez eux.


Un travail de fourmis à la rentabilité problématique


La part des pneus de valeur a chuté ces dernières années. Le rebut du tri a passé de 50% à 75% et les récupérateurs doivent percevoir une finance d'élimination de 2.&endash; francs par pneu. Mais des exceptions sont faites et l'enlèvement des pneus reste gratuit pour les lots intéressants. A contrario, les carcasses d'un garage Mercedès ne valent rien (les clients de la marque ne roulent pas sur du rechapé), tout comme les pneus "taille basse" (le marché africain ne saurait qu'en faire).


"Profil" ou "carcasse" ?

C'est l'affaire des spécialistes


Une fois au dépôt, les pneus sont triés en plusieurs étapes. Après élimination du déchet, un second tri permet d'aiguiller les pneus sur les diverses filières:

a réutilisation en Suisse (après éventuelle réparation d'une perforation),

b réutilisation à l'exportation (Afrique, Amérique latine, Europe de l'est),

c rechapage.

Les groupes a) et b) constituent le "profil". Avec plus de 4 mm, le pneu sera contrôlé, mis en pression, nettoyé, repeint et proposé comme occasion. Mais il faudra naturellement les appareiller, ce qui constitue en soi un casse-tête sachant qu'il existe des centaines de dimensions et des centaines de marques et de dessins! Les autres seront regroupés par degrés d'usure et par dimensions. Les prix de vente à l'exportation s'échelonnent de 5.&endash; à 12.&endash; francs.


Chez Frassa à Martigny, l'inspection minutieuse d'une carcasse destinée au rechapage prend 1 à 2 minutes. Après quoi il faut attribuer les carcasses à tel ou tel rechapeur en fonction de sa demande momentanée et les appareiller, les classer par marque, dimensions et qualité. Comme pour d'autres déchets, la valorisation passe par un tri spécialisé.

Les "carcasses" destinées aux rechapeurs sont triées selon d'autres critères encore. Ici ce n'est pas le profil qui compte, mais l'état du "talon", les blessures sur le flanc ou les fentes invisibles dans la bande de roulement. Valeur marchande: de 3.&endash; à 5.&endash; francs pour un pneu tourisme.


Du bac à fleur aux projets les plus fous d'aménagement du territoire


En France, le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées a développé le procédé Pneusol pour utiliser les pneus comme éléments pour des murs de soutènement. A La Réunion, cette technique permet de gagner des hectares constructibles dans des terrains en pente tout en recyclant des déchets. Une association québécoise défend un projet "Reverdir le désert" consistant à créer des barrières de verdure plantées dans des tranchées bourrées de pneus retenant l'eau des quelques pluies annuelles. On utilise aussi couramment des assemblages de vieux pneus dans les aménagements de décharges (drainage et protection de la couche étanche). Mais ces pratiques ne sont-elles pas en contradiction avec l'interdiction de mise en décharge?


Rechapage: recommandé par tous, mais en perte de vitesse

Le rechapage, qui consiste à vulcaniser un nouveau profil sur la carcasse, permet de récupérer 80% de la masse du pneu et réduit dans une même proportion la consommation d'énergie de fabrication. Il est de loin le mode de valorisation qui présente le meilleur rapport coût/bénéfice. En 1994, la Commission Européenne souhaitait accroître la part du rechapage à 25% avant l'an 2000. L'arrivée en masse de pneus "bas prix" a eu l'effet inverse et ce taux n'est plus que de 12%. Mais attention, la disparition du marché du rechapage mettrait aussi en péril le fragile équilibre économique de la collecte!

 


UIOM, cimenterie, pyrolyse. Ou quand le torchon brûle mieux que le pneu


L'incinération des pneus uagés en UIOM pose des problèmes (pouvoir calorifique trop élevé, suies, métaux lourds) et on lui préfère l'incinération en cimenterie. Le four cimentier présente de nombreux avantages: il fixe les métaux lourds dans le clinker et ne laisse aucun résidu. Pneus entiers ou broyés, introduire un tel combustible dans un four ne va pas sans coûts. L'idéal est de le transformer par pyrolyse en gaz, huile combustible et résidu carboné valorisable. Pour l'heure, la cimenterie de Wildegg, qui vient de s'équiper d'une telle installation, connaît des problèmes.

 


Broyage, cryobroyage, micronisation. Et après?


La concurrence est vive entre fournisseurs d'équipements de broyage des pneus usagés. Plus vive qu'entre les industries utilisatrices de granulat ou de poudrette!
Chez Rupp SA à Vevey, qui fournit plus de 50% du marché suisse, le rechapage est devenu une activité industrielle faisant appel aux machines à commande numérique et au contrôle de qualité par imagerie à ultrasons. Mais il reste très intensif en main d'oeuvre en regard des nouvelles usines de pneumatiques entièrement automatisées.

Aires de jeux et de sport, pneus pleins, fabrication de peintures et de colles résistant aux chocs, les usages sont très nombreux, mais limités en quantités. C'est pourquoi les Etats-Unis vont imposer aux manufacturiers l'usage d'un pourcentage croissant de caoutchouc de récupération dans les pneus. L'Europe, elle, lorgne vers les travaux publics et les chemins de fer.

 


Travaux publics et construction exitent les convoitises


Depuis quelques années, des essais ont été menés sur des revêtements de route incorporant de la poudrette de pneu. Les émissions sonores sont très réduites (-8 dB (A)). Avec une utilisation de 2 500 pneus par kilomètre d'autoroute, les projets européens pourraient engloutir la totalité de l'excédent. Mais il y a mieux: la paroi anti-bruit haute de 3 mètres en avale 20 000 par kilomètre. Il serait laborieux de faire le tour complet des matériaux de construction à base de pneu. Mais tous ces projets ont un point commun: on ne dit pas comment, le jour venu, ces produits seront recyclés...

 

François Marthaler

BIRD, Prilly

 


Pour en savoir plus

Analyse coût/bénéfice

Une étude « Car recycling in Europe » (Institut pour les études environnementales, Vrije Universiteit, Amsterdam, NL) a opéré une analyse coût-bénéfice élargie donnant un classement des différentes options de valorisation des pneus usagés:

1. rechapage à chaud (150o à 180oC)

2. rechapage à froid (100oC)

3. broyage mécanique

4. cryobroyage

5. utilisation en génie civil

6. pyrolyse

7. incinération en cimenterie

L'étude peut être commandée à pieter.van.beukering@ivm.vu.nl.

 

RECUPERATEURS:

Pneus Claude SA, 1242 Peney-Satigny, tél. 022/753 14 05

Bel-Gom, 1373 Chavornay

tél. 024/441 17 42

Jean-Pierre Stucky, 1700 Fribourg

tél. 026/481 38 28

Autopneu-Serra, 1890 St-Maurice

tél. 024/485 18 83

Pneus Export Frassa, 1920 Martigny

tél. 027/722 43 43

USINES DE RECHAPAGE:

Pneus Rupp SA, 1800 Vevey

tél. 021/925 00 00

http://www.pneusrupp.ch

Tyvalug SA, 1800 Vevey

tél. 021/921 49 61

ASSOCIATIONS:

European Tyre Recycling Association (ETRA), Paris (F)

tél. 0033-1/45 00 37 77

http://www.etra-www.org

Association Suisse du Pneu (ASP)

Zurich, tél. 01/271 90 90

http://www.pns.ch


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