Nº 28 du mois de novembre 1999

Bulletin romand d'information sur la diminution et la gestion des déchets

Lampes fluorescentes: faire des neuves avec les vieilles

La Suisse consomme annuellement entre 9 et 10 millions de lampes fluorescentes. Leur fonctionnement exige la présence de mercure métallique, raison pour laquelle elles figurent dans la liste des déchets spéciaux arrêtée par l'ordonnance fédérale sur les mouvements de déchets spéciaux (ODS). Mais leur taux de collecte reste faible &endash; moins de 60 % &endash; et les méthodes de recyclage peu probantes. Une nouvelle génération de lampes fluorescentes arrive sur le marché: plus performantes, offrant une meilleure qualité de lumière et entièrement recyclables dans la fabrication de nouvelles lampes.


 

Depuis la première lampe d'Edison en 1879 (un filament de carbone dans un bulbe sous vide), on a développé une très grande variété de sources lumineuses. Les lampes à incandescence &endash; qui comprennent les lampes halogènes &endash; ont un filament en tungstène dans une ambiance de gaz rare (azote, argon ou krypton). Porté à des températures de quelques milliers de degrés, le filament devient incandescent et se vaporise lentement. Dans les lampes halogènes, les vapeurs de tungstène se combinent avec l'halogène (de l'iode) pour se redéposer sur le filament au lieu d'aller noircir le verre (quartz). L'élimination des lampes à incandescence avec les ordures ménagères ne pose pas de problème.


Utilisation de mercure en Suisse (tonnes par an)

86

90

99

99

Piles

12

3-4

1

20%

Industrie chimique

2

2

2

40%

Amalgames dentaires

1,7

1,4

<0,9

18%

Thermomètres

1

0,8

<0,1

2 %

Agriculture (fongicide pour semences)

0,5

0,04

?

1 %

Lampes fluorescentes

0,25

0,25

0,25

5 %

Médicaments

0,2

0,2

?

4 %

Autres utilisations

2

2

<0,5

10 %

Total

env. 20

env. 10

env. 5

100 %


Les lampes à décharge n'ont pas de filament, mais des électrodes qui font éclater une décharge électrique (sorte d'éclair) dans un gaz contenant des vapeurs de sodium, de mercure, d'hydrogène ou de xénon. Les lampes à vapeur de mercure, utilisées notamment pour l'éclairage public, sont des déchets spéciaux.


Indispensable, le mercure peut être réduit au minimum


Les lampes fluorescentes (tubes "néons" et lampes fluocompactes) sont des lampes à décharge dans lesquelles le mercure émet des ultraviolets que la couche fluorescente transforme en rayonnement visible (voir schéma). Un tube fluorescent normal contient entre 20 et 30 mg de mercure. Mais il est possible de doser la quantité de mercure au stricte nécessaire, soit environ 3 mg pour un tube de dimension standard.

 


Code ODS 3211: de 3'600.&endash; à 8'200.&endash; francs la tonne


C'est essentiellement à cause du mercure qu'elles contiennent que les lampes fluorescentes sont soumises à l'ordonnance sur les mouvements de déchets spéciaux (ODS). Depuis l'étude sur le mercure en Suisse (OFEFP, 1988), l'utilisation de mercure a été divisée par quatre et les lampes fluorescentes n'en représentent pas 10% (voir tableau). Les sources industrielles étant sous contrôle, ce sont principalement les UIOM qui rejettent du mercure (2/3 des émissions). Entièrement vaporisé dans le four, le mercure gazeux traverse sans difficulté les électrofiltres et les laveurs de fumées.


Soumis à un très fort champ électrique, l'atome de mercure va voir un de ses électrons changer de niveau d'énergie, engendrant un rayonnement ultraviolet (UV, invisible). Ce sont les poudres fluorescentes qui transformeront ce rayonnement UV en lumière visible. Sans un minimum de mercure (3 mg par tube), le système ne peut pas fonctionner.


Les installations de recyclage des lampes fluorescentes fonctionnent, elles, sous aspiration et le mercure gazeux qui s'en échappe est fixé sur des filtres à charbon actif. Traités pièce après pièce, les tubes sont d'abord découpés aux extrémités, les poudres fluorescentes et le mercure qu'elles contiennent sont soufflées dans des conteneurs étanches. Le verre et les métaux (aluminium, laiton) subissent encore un nettoyage pyrolytique de démercurisation pour les rendre propres au recyclage. Ces opérations successives coûtent cher: Fr. 0,90 pour un tube standard, Fr. 8,20/kg pour une enseigne lumineuse (teneur en mercure nettement plus élevée).

 


Recyclage des poudres fluorescentes et du mercure: le plus dur reste à faire


Dans les tubes fluorescents classiques, la poudre fluorescente est principalement composée de calcium et d'antimoine. Cette composition varie d'un fabricant à l'autre et leur réutilisation pour la fabrication de nouveaux tubes est impossible. Comme elles contiennent l'essentiel du mercure, les poudres extraites par les installations de recyclage sont principalement mises en décharge souterraine (anciennes mines de sel allemandes). L'entreprise SOVAG, qui exploite une telle installation à Rubigen (BE), déclare distiller ses poudres et en récupérer le mercure, tout en admettant que cette opération n'est pas justifiée du point de vue économique. Pourtant, la société canadienne FLR se dit en mesure de valoriser les poudres démercurisées dans la fabrication de pigments pour la peinture et les matières plastiques.


On mesure l'efficacité d'une source lumineuse en lumen par watt. Les lampes à décharge ou lampes fluorescentes sont de loin les plus performantes:

 

• lampe à incandescence 12 lm/W

• lampe halogène 17 lm/W

• lampe fluocompacte 60 lm/W

• tube fluorescent 75 lm/W

• tube nouvelle génération 100 lm/W

 

Toutefois, le rendu des couleurs et la qualité de la lumière peuvent fortement varier. Parfois au détriment de l'efficacité énergétique.

En outre, l'efficacité se dégrade dans le temps: noircissement du verre, oxydation des filaments, etc. Après 10000 h, un tube fluorescent ordinaire a perdu 30% de son efficacité, tandis qu'un tube nouvelle génération n'a faibli que de 10% et pourra donc être utilisé nettement plus longtemps.


En définitive, l'opération de "recyclage" des lampes fluorescentes consiste à récupérer un peu de verre, d'aluminium et de laiton (97% du tube) et à mettre en décharge les produits toxiques, tout comme les filtres à charbon actif chargés de mercure.

 


Jusqu'à douze tubes fluorescents, l'ODS ferme (provisoirement) les yeux


Le taux de collecte des tubes fluorescents demeure faible: moins de 60%. Cela peut s'expliquer en partie du fait de l'étrange limite de l'ODS qui précise qu'aucun document de suivi n'est exigible pour moins de 12 tubes. Mais il est faut d'en déduire qu'une lampe isolée n'est pas un déchet spécial. Quoi qu'il en soit, cette limite devrait disparaître lors de la prochaine révision de l'ODS en 2001.

Pour l'heure, ce sont principalement les gros utilisateurs de lampes fluorescentes qui assurent l'approvisionnement des trois installations suisses de traitement (4,5 millions d'unités). Les communes, pour leur part, ne collectent qu'un million de pièces. Finalement, 2,5 millions de tubes fluorescents sont incinérés.


Pas d'obligation de reprise, pas de taxe anticipée de recyclage, pas soumis à l'OREA


Le retour au fournisseur serait certainement la solution la plus simple pour l'utilisateur. Pour le particulier, stocker un tube ou une lampe fluocompacte dans l'attente de la journée annuelle de collecte des déchets spéciaux ménagers présente des risques. Et prendre sa voiture pour se rendre à la déchetterie régionale n'est pas écologiquement favorable.

Mais les tubes fluorescents font expressément partie de la liste des accessoires fonctionnant à l'électricité, et qui échappent à l'ordonnance sur la restitution, la reprise et l'élimination des appareils électriques et électroniques (OREA). Ainsi, la Confédération n'a pas l'intention d'imposer une reprise ou une taxe anticipée d'élimination. Le problème ne constitue plus une priorité de protection de l'environnement. En effet, la teneur en mercure de ces produits a considérablement baissé. A l'occasion de la 4e Conférence paneuropéenne des ministres de l'environnement à Aarhus, la Suisse a signé en 1998 un protocole sur la protection de l'air par lequel elle s'engageait entre autre à réduire de 20% avant 2010 ses émissions de mercure par rapport à 1990. Le Conseiller fédéral Moritz Leuenberger pouvait signer cet engagement sans crainte, puisque cet objectif était déjà largement atteint à cette date.


Les "néons" ne constituent qu'une variété dans la famille des lampes fluorescentes. Les lampes fluocompactes prennent toutes sortes de formes et leur démontage reste essentiellement manuel.


Il faut encore relever que plusieurs autres composants toxiques ont été éliminés (arsenic, cadmium, ...) de la fabrication des lampes fluorescentes. Ainsi, Berne considère que l'état de la technique ne permet pas de faire plus en faveur de l'environnement moyennant un coût "supportable".


Refaire des tubes avec des tubes: le défi intéressé des constructeurs


Les fabricants se doivent d'améliorer sans cesse leurs produits. C'est ainsi qu'après avoir réduit la teneur en produits problématiques dans les lampes fluorescentes, Philips a développé de nouveaux mélanges de poudres: meilleure efficacité lumineuse, plus durables, rendu des couleurs amélioré. Or, ces poudres fluorescentes coûtent extrêmement cher. Une bonne raison pour les récupérer et les réutiliser. Philips a donc breveté un système d'identification spectrométrique des différents mélanges qu'il est possible d'adapter sur les installations existantes de traitement des tubes. Parallèlement, la célèbre firme de Eindhoven s'engage à racheter et réutiliser les poudres triées, le mercure qu'elles contiennent et le verre des tubes (voir page 5). Comme on pouvait s'y attendre, les autres principaux fabricants (Osram, Sylvania et General Electric) lui ont déjà emboîté le pas.

Nous voici donc confrontés à une nouvelle problématique: la récupération ne se justifie plus uniquement en fonction d'impératifs de protection de l'environnement, mais par la nécessité économique de réintégrer certaines matières dans le cycle de production. C'est ici que s'arrêtent les politiques contraignantes en matière de protection de l'environnement et que l'on entre dans la logique du développement durable. Reste à savoir si les consommateurs seront sensibles à la démarche et voudront bien payer à l'achat le surcoût d'une solution de recyclage globalement nettement plus favorable.

 

Sébastien Piguet

BIRD, Prilly

 

 


Pour en savoir plus

 

ENTREPRISES DE TRAITEMENT:

SM Recycling, 5000 Aarau (AG)

p.a.Beat Zweili

1305 Penthalaz (VD)

tél. 021/861 05 77,www.smrecycling.ch

Sovag AG

Im Kieswerk, 3113 Rubigen (BE)

tél. 031/721 33 92, www.sovag.ch

RecybatExpress SA (ex-Recymet)

Centre Avila, 1123 Aclens (VD)

tél. 021/869 81 31, www.recymet.ch

FLR Fluorescent Lamp Recyclers

Cambridge (Ontario, Canada)

www.contech.ca/FLRproc.htm

 

ENERGIE/DESIGN:

Agence suisse pour l'efficacité énergétique (S.A.F.E.)

http://energieagentur.ch

 

POLLUTION AU MERCURE:

Agence canadienne pour la protection de l'environnement (EPA)

www.epa.gov/toxteam/hg_conf.htm

Office fédéral de la protection de l'environnement des forêts et du paysage (OFEFP)

"Le mercure en Suisse", Cahiers de l'environnement No 79, Berne, 1988

tél. 031/322 89 99


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