99% d'air :
idéal pour l'emballage, mais nettement moins
pour le
déballage
!
Apparu au début des années 60, le
polystyrène expansé ou EPS a rapidement
connu le succès. Bon isolant thermique, il a
été surtout utilisé dans le
bâtiment, un secteur qui reste son premier
domaine d'application. Extraordinairement léger
(99% du volume se composant d'air), pouvant prendre
toutes les formes possibles, il s'est aussi
imposé comme le matériel de calage
idéal dans le domaine de l'emballage. Et
lorsqu'il faut emballer des poissons ou
crustacés, ses qualités isolantes le
rendent tout simplement incontournable.
Contrairement à d'autres matières
plastiques, le polystyrène expansé a
pratiquement toujours la même composition
chimique: une chaîne d'atomes de carbone et
d'hydrogène sans secret particulier ni additifs
spéciaux. Produit de masse qui doit rester
très bon marché, il est presque toujours
blanc (sa couleur naturelle). A l'aide d'un
réacteur, l'usine pétrochimique va
introduire et emprisonner dans la matière un
gaz expansible très commun : le pentane.
Les microbilles issues de ce procédé
sont vendues aux fabricants de plaques ou d'emballages
qui les réchauffent à la vapeur, ce qui
les fait gonfler une première fois. Puis elles
seront injectées dans un moule où un
deuxième bain de vapeur les développera
jusqu'à les coaguler les unes aux autres. On
retrouve toujours ces petites billes en cassant les
pièces moulées &endash; ce que les
enfants découvrent assez vite !
Mais attention ! Il existe aussi des plaques
d'isolation en polystyrène extrudé (XPS)
dont l'agent d'expansion a longtemps été
le CFC (destructeur de la couche d'ozone).
L'utilisation de ce gaz sera définitivement
interdite dès le 1er janvier 2000.
Elimination
plus complexe pour les panneaux d'isolation qui
doivent être ignifugés
Les
fabricants de plaques d'isolation pour la construction
sont soumis à des règles bien
compréhensibles de protection contre les
incendies. C'est pourquoi la plupart des produits
qu'ils proposent dans ce domaine sont traités
avec un retardateur de flamme. Si la présence
de cette molécule en très faible
quantité (< 0,5%) ne dérange pas la
réalisation de plaques recyclées, elle
constitue une gêne pour d'autres filières
de recyclage. Leur incinération dans des usines
modernes ne pose aucun problème. Il convient de
préciser qu'en aucun cas le matériel
d'emballage fabriqué en Suisse ne contient de
retardateur de flamme.
Il existe une
floraison de solutions de recyclage de
l'EPS
Le polystyrène expansé peut
être densifié et réextrudé
en un polystyrène dit "cristal" car très
cassant. Moyennant quelques additifs (souvent d'autres
polymères), on obtient un polystyrène
utilisable pour l'injection de toute sorte de produits
d'usage courant. On considérera cette
filière comme un downcycling, puisque les
qualités propres à l'EPS sont alors
perdues. Il est donc préférable de
recycler la matière dans le produit
expansé. La voie technologique consiste
à réintroduire du pentane dans la
matière en fusion. C'est ce que fait, par
exemple, la société américaine
Flo-Pak qui produit ainsi des chips de calage
exclusivement à partir de déchets d'EPS,
reconnaissables à leur forme en "8" et leur
couleur légèrement beige. Comptant parmi
les principaux fabricants mondiaux de chips, Flo-Pak
cherche à acheter des tonnages
conséquents de déchets d'EPS pour son
usine en région parisienne. Avis aux amateurs !
Il existe une
foule d'installations de broyage et de
densification de l'EPS. L'objectif visé est
d'en réduire le volume au minimum pour un
coût raisonnable afin de pouvoir l'acheminer
économiquement vers une destination de
recyclage. Souvent ces machines ont
été conçues pour l'industrie
et donc des volumes considérables. Les
autres tiennent du gadget.
Mais on peut aussi faire l'économie du
regazage en récupérant les billes d'EPS
à l'aide de broyeurs très particuliers.
Une fois mélangées à des billes
neuves à hauteur de 10 à 30%, bien malin
qui les repérera dans le bloc de calage tout
neuf ! Bien sûr ces billes peuvent trouver
d'autres applications: fabrication de poufs,
production de crépis isolants ou encore
élaboration de béton
allégé. Cette dernière
idée à connu plusieurs émules en
Suisse romande, mais aucun n'a véritablement
percé.
Même si l'EPS est généralement
simple à identifier, sa collecte apporte
d'inévitables surprises: des blocs (billes
expansées) et des chips (EPS extrudé),
mais aussi des mousses de polyuréthanne ou de
polyéthylène. Comme ces produits ont
tous de bonnes caractéristiques d'isolation,
l'entreprise Luxit à Châtel-St-Denis (FR)
a développé une plaque d'isolation dont
la partie visible est faite de billes neuves et le
coeur de matériaux de
récupération qu'il n'est pas
nécessaire de trier dans le détail.
Signalons encore le surprenant brevet
déposé par Sony Japon sur une sorte de
"digesteur" d'EPS dans lequel une huile essentielle de
citron joue le rôle de suc gastrique. Le sirop
qui en résulte est ensuite distillé et
restitue intactes les molécules de
polysytyrène d'une part, l'huile de citron
étant, d'autre part, réutilisée
pour le cycle suivant. Avantage particulier de la
méthode : les étiquettes, les autres
matières plastiques et les corps
étrangers sont automatiquement
séparés.
Quand un
produit écologique en empêche d'autres de
le devenir
On a vu apparaître sur le marché des
chips d'emballage à base d'amidon
végétal soufflé à la
façon de certains apéritifs et
très semblables à leurs concurrents de
synthèse. La solution pour nos déchets
était trouvée ! Ils peuvent être
soit compostés soit jetés dans les WC
car solubles dans l'eau (stupéfiante
recommandation d'un fabricant).
Malheureusement, faute de pouvoir être
recyclés avec l'EPS, les fabricants de produits
synthétiques n'ont dorénavant d'autre
choix que de refuser de reprendre leurs chips. De
même, mieux vaut conseiller aux particuliers de
renoncer à tenter de composter des
déchets d'EPS. Dommage pour tout le monde !
Les emballages de protection
représentent des marchés très
attractifs et la concurrence ne manque pas.
L'innovation non plus ! A l'exemple de cet
emballage gonflable et réutilisable, encore
plus léger que l'EPS . Livré non
gonflé, son stockage coûte aussi moins
cher.
Le réemploi
direct est toujours la meilleure
solution
Les chips d'emballage faisant problème dans
les plaques d'isolation, il suffit simplement de les
réutiliser dans leur fonction d'origine. Ce que
font bien des entreprises, mettant ainsi un peu de vie
dans nos colis: on y trouve toutes les couleurs et
toutes les formes. Malheureusement, certaines
entreprises ne font qu'emballer et expédier de
la marchandise que d'autres ne font que recevoir. Les
premières seront perpétuellement en
manque, tandis que les secondes finiront par faire
brûler leurs excédents. Sachant qu'un sac
de 500 litres de chips EPS coûte à
l'emballeur entre 40.&endash; et 60.&endash; francs,
un véritable commerce pourrait s'organiser
(voir la bourse aux déchets sur le site
internet www.dechets.ch).
Il est aussi possible de transformer des blocs de
calage en chips de remplissage à l'aide d'une
installation automatique utilisant des fils chauffant
(voir encadré). Mais attention, avant
d'investir, il convient de se demander à qui
l'on va vendre ou donner ces chips artisanaux !
Et qu'en
est-il en Europe ?
L'Office fédéral de la protection de
l'environnement persiste à dire que les
matières plastiques &endash; à la
notable exception des bouteilles en PET &endash; ne
méritent que la crémation (voir la revue
Environnement 1/99 que publie l'Office).
Pourtant, sous l'impulsion du DSD (Duales System
Deutschland) qui est tenu légalement de
recycler tous les emballages, la collecte et la
valorisation de l'EPS s'organise en Europe. A l'instar
de la France qui a créé Eco-PSE,
l'Italie, l'Espagne, ou la Belgique mettent en place
des réseaux de collecte. En 1998, le
système Eco-PSE a permis de
récupérer plus de 13 000 tonnes de
polystyrène expansé dont 5 000 ont
trouvé un débouché dans la
production de nouvelles matières.
Indépendamment du bilan environnemental ou
économique, l'image d'un produit recyclable
&endash; et recyclé &endash; est
incontestablement meilleure que celle d'un produit
incinérable. Il est probablement vital pour les
fabricants de soutenir les filières de
recyclage.
François Marthaler
BIRD, Prilly
François Marthaler
BIRD, Prilly
Pour en
savoir plus
EPS Recycling
Suisse
6403 Küssnacht-am-Rigi
pour commander des sacs de
récupération : tél. 021/311 38
01
EPS Recycling
International
Londres, www.epsrecycling.org
ECO PSE, Levallois-Perret (Paris),
www.ecopse.fr
Bourse aux déchets
romande
avec l'appui des chambres suisses de commerce,
www.dechets.ch
Installation pour la production
de chips artisanaux à partir de blocs de calage
("Chipser")
Toel Recycling AG, 8123 Ebmatingen, tél.
01/980 10 90
Recycler
ou brûler ? Il faut toujours transporter
!
Le groupement des fabricants suisses d'EPS a
récemment constitué l'association EPS
Recycling Suisse pour organiser la collecte des
déchets d'EPS (blocs de calage et chute de
coupe des panneaux d'isolation) en sacs de 500 litres.
Leur prix de vente (Fr. 12.50) couvre les frais de
transport et de recyclage dans l'usine la plus proche.
Economiquement, l'opération paraît
raisonnable (Fr. 25.&endash;/m3) en comparaison du
coût d'enlèvement d'un conteneur de
déchets incinérables. Encore faut-il
pouvoir stocker jusqu'à 20 sacs !
Rapporté au poids, en revanche, la facture
semble salée : plus de 1'000.&endash; francs la
tonne. D'ailleurs, est-il écologique de
transporter ces déchets pour recyclage sur 500
km ? Une étude l'affirme. En Suisse, l'usine de
recyclage la plus proche ne se trouve jamais à
plus de 100 km et les déchets
incinérables doivent eux aussi être
transportés. Le bilan serait peut-être
plus favorable à l'incinération si l'EPS
était compacté. Or, même sous une
pression de plus de trente tonnes par mètre
carré (camion-compacteur) il ne se laisse que
faiblement écraser. Sacré
polystyrène !