Nº 26 du mois de juillet 1999

Bulletin romand d'information sur la diminution et la gestion des déchets

Polystyrène expansé (EPS) : tous les chemins mènent au recyclage !

Le polystyrène expansé, plus connu en Suisse romande sous son appellation commerciale d'origine, le Sagex, rappelle le paradoxe de tout emballage : léger mais encombrant, recyclable mais si facilement incinérable, connaissant 1000 applications mais difficilement réutilisable. Plus encore que pour d'autres déchets, son recyclage constitue un défi logistique plutôt que technique. Le "gisement" est estimé en Suisse à quelque 18 000 tonnes par année. Ce qui représente un volume de 1,8 million de mètres cubes ou plus de 30 000 camions. Qu'il faille les valoriser ou les incinérer !


 
99% d'air : idéal pour l'emballage, mais nettement moins pour le déballage !

Apparu au début des années 60, le polystyrène expansé ou EPS a rapidement connu le succès. Bon isolant thermique, il a été surtout utilisé dans le bâtiment, un secteur qui reste son premier domaine d'application. Extraordinairement léger (99% du volume se composant d'air), pouvant prendre toutes les formes possibles, il s'est aussi imposé comme le matériel de calage idéal dans le domaine de l'emballage. Et lorsqu'il faut emballer des poissons ou crustacés, ses qualités isolantes le rendent tout simplement incontournable.

Contrairement à d'autres matières plastiques, le polystyrène expansé a pratiquement toujours la même composition chimique: une chaîne d'atomes de carbone et d'hydrogène sans secret particulier ni additifs spéciaux. Produit de masse qui doit rester très bon marché, il est presque toujours blanc (sa couleur naturelle). A l'aide d'un réacteur, l'usine pétrochimique va introduire et emprisonner dans la matière un gaz expansible très commun : le pentane.

Les microbilles issues de ce procédé sont vendues aux fabricants de plaques ou d'emballages qui les réchauffent à la vapeur, ce qui les fait gonfler une première fois. Puis elles seront injectées dans un moule où un deuxième bain de vapeur les développera jusqu'à les coaguler les unes aux autres. On retrouve toujours ces petites billes en cassant les pièces moulées &endash; ce que les enfants découvrent assez vite !

Mais attention ! Il existe aussi des plaques d'isolation en polystyrène extrudé (XPS) dont l'agent d'expansion a longtemps été le CFC (destructeur de la couche d'ozone). L'utilisation de ce gaz sera définitivement interdite dès le 1er janvier 2000.

 

 

Elimination plus complexe pour les panneaux d'isolation qui doivent être ignifugés

 Les fabricants de plaques d'isolation pour la construction sont soumis à des règles bien compréhensibles de protection contre les incendies. C'est pourquoi la plupart des produits qu'ils proposent dans ce domaine sont traités avec un retardateur de flamme. Si la présence de cette molécule en très faible quantité (< 0,5%) ne dérange pas la réalisation de plaques recyclées, elle constitue une gêne pour d'autres filières de recyclage. Leur incinération dans des usines modernes ne pose aucun problème. Il convient de préciser qu'en aucun cas le matériel d'emballage fabriqué en Suisse ne contient de retardateur de flamme.

 

 

Il existe une floraison de solutions de recyclage de l'EPS

 

Le polystyrène expansé peut être densifié et réextrudé en un polystyrène dit "cristal" car très cassant. Moyennant quelques additifs (souvent d'autres polymères), on obtient un polystyrène utilisable pour l'injection de toute sorte de produits d'usage courant. On considérera cette filière comme un downcycling, puisque les qualités propres à l'EPS sont alors perdues. Il est donc préférable de recycler la matière dans le produit expansé. La voie technologique consiste à réintroduire du pentane dans la matière en fusion. C'est ce que fait, par exemple, la société américaine Flo-Pak qui produit ainsi des chips de calage exclusivement à partir de déchets d'EPS, reconnaissables à leur forme en "8" et leur couleur légèrement beige. Comptant parmi les principaux fabricants mondiaux de chips, Flo-Pak cherche à acheter des tonnages conséquents de déchets d'EPS pour son usine en région parisienne. Avis aux amateurs !


Il existe une foule d'installations de broyage et de densification de l'EPS. L'objectif visé est d'en réduire le volume au minimum pour un coût raisonnable afin de pouvoir l'acheminer économiquement vers une destination de recyclage. Souvent ces machines ont été conçues pour l'industrie et donc des volumes considérables. Les autres tiennent du gadget.


Mais on peut aussi faire l'économie du regazage en récupérant les billes d'EPS à l'aide de broyeurs très particuliers. Une fois mélangées à des billes neuves à hauteur de 10 à 30%, bien malin qui les repérera dans le bloc de calage tout neuf ! Bien sûr ces billes peuvent trouver d'autres applications: fabrication de poufs, production de crépis isolants ou encore élaboration de béton allégé. Cette dernière idée à connu plusieurs émules en Suisse romande, mais aucun n'a véritablement percé.

Même si l'EPS est généralement simple à identifier, sa collecte apporte d'inévitables surprises: des blocs (billes expansées) et des chips (EPS extrudé), mais aussi des mousses de polyuréthanne ou de polyéthylène. Comme ces produits ont tous de bonnes caractéristiques d'isolation, l'entreprise Luxit à Châtel-St-Denis (FR) a développé une plaque d'isolation dont la partie visible est faite de billes neuves et le coeur de matériaux de récupération qu'il n'est pas nécessaire de trier dans le détail.

Signalons encore le surprenant brevet déposé par Sony Japon sur une sorte de "digesteur" d'EPS dans lequel une huile essentielle de citron joue le rôle de suc gastrique. Le sirop qui en résulte est ensuite distillé et restitue intactes les molécules de polysytyrène d'une part, l'huile de citron étant, d'autre part, réutilisée pour le cycle suivant. Avantage particulier de la méthode : les étiquettes, les autres matières plastiques et les corps étrangers sont automatiquement séparés.

 

 

 Quand un produit écologique en empêche d'autres de le devenir

On a vu apparaître sur le marché des chips d'emballage à base d'amidon végétal soufflé à la façon de certains apéritifs et très semblables à leurs concurrents de synthèse. La solution pour nos déchets était trouvée ! Ils peuvent être soit compostés soit jetés dans les WC car solubles dans l'eau (stupéfiante recommandation d'un fabricant).

Malheureusement, faute de pouvoir être recyclés avec l'EPS, les fabricants de produits synthétiques n'ont dorénavant d'autre choix que de refuser de reprendre leurs chips. De même, mieux vaut conseiller aux particuliers de renoncer à tenter de composter des déchets d'EPS. Dommage pour tout le monde !

Les emballages de protection représentent des marchés très attractifs et la concurrence ne manque pas. L'innovation non plus ! A l'exemple de cet emballage gonflable et réutilisable, encore plus léger que l'EPS . Livré non gonflé, son stockage coûte aussi moins cher.

 


 

Le réemploi direct est toujours la meilleure solution

Les chips d'emballage faisant problème dans les plaques d'isolation, il suffit simplement de les réutiliser dans leur fonction d'origine. Ce que font bien des entreprises, mettant ainsi un peu de vie dans nos colis: on y trouve toutes les couleurs et toutes les formes. Malheureusement, certaines entreprises ne font qu'emballer et expédier de la marchandise que d'autres ne font que recevoir. Les premières seront perpétuellement en manque, tandis que les secondes finiront par faire brûler leurs excédents. Sachant qu'un sac de 500 litres de chips EPS coûte à l'emballeur entre 40.&endash; et 60.&endash; francs, un véritable commerce pourrait s'organiser (voir la bourse aux déchets sur le site internet www.dechets.ch).

Il est aussi possible de transformer des blocs de calage en chips de remplissage à l'aide d'une installation automatique utilisant des fils chauffant (voir encadré). Mais attention, avant d'investir, il convient de se demander à qui l'on va vendre ou donner ces chips artisanaux !

 

 

Et qu'en est-il en Europe ?

L'Office fédéral de la protection de l'environnement persiste à dire que les matières plastiques &endash; à la notable exception des bouteilles en PET &endash; ne méritent que la crémation (voir la revue Environnement 1/99 que publie l'Office).

Pourtant, sous l'impulsion du DSD (Duales System Deutschland) qui est tenu légalement de recycler tous les emballages, la collecte et la valorisation de l'EPS s'organise en Europe. A l'instar de la France qui a créé Eco-PSE, l'Italie, l'Espagne, ou la Belgique mettent en place des réseaux de collecte. En 1998, le système Eco-PSE a permis de récupérer plus de 13 000 tonnes de polystyrène expansé dont 5 000 ont trouvé un débouché dans la production de nouvelles matières.

Indépendamment du bilan environnemental ou économique, l'image d'un produit recyclable &endash; et recyclé &endash; est incontestablement meilleure que celle d'un produit incinérable. Il est probablement vital pour les fabricants de soutenir les filières de recyclage.

 

François Marthaler

BIRD, Prilly

 

François Marthaler

BIRD, Prilly


Pour en savoir plus

EPS Recycling Suisse

6403 Küssnacht-am-Rigi

pour commander des sacs de récupération : tél. 021/311 38 01

 

EPS Recycling International

Londres, www.epsrecycling.org

ECO PSE, Levallois-Perret (Paris), www.ecopse.fr

 

Bourse aux déchets romande

avec l'appui des chambres suisses de commerce, www.dechets.ch

 

Installation pour la production de chips artisanaux à partir de blocs de calage ("Chipser")

Toel Recycling AG, 8123 Ebmatingen, tél. 01/980 10 90


Recycler ou brûler ? Il faut toujours transporter !

Le groupement des fabricants suisses d'EPS a récemment constitué l'association EPS Recycling Suisse pour organiser la collecte des déchets d'EPS (blocs de calage et chute de coupe des panneaux d'isolation) en sacs de 500 litres. Leur prix de vente (Fr. 12.50) couvre les frais de transport et de recyclage dans l'usine la plus proche. Economiquement, l'opération paraît raisonnable (Fr. 25.&endash;/m3) en comparaison du coût d'enlèvement d'un conteneur de déchets incinérables. Encore faut-il pouvoir stocker jusqu'à 20 sacs ! Rapporté au poids, en revanche, la facture semble salée : plus de 1'000.&endash; francs la tonne. D'ailleurs, est-il écologique de transporter ces déchets pour recyclage sur 500 km ? Une étude l'affirme. En Suisse, l'usine de recyclage la plus proche ne se trouve jamais à plus de 100 km et les déchets incinérables doivent eux aussi être transportés. Le bilan serait peut-être plus favorable à l'incinération si l'EPS était compacté. Or, même sous une pression de plus de trente tonnes par mètre carré (camion-compacteur) il ne se laisse que faiblement écraser. Sacré polystyrène !

Retour au sommaire

 


Copyright BIRD