Nº 24 du mois de mars 1999

Bulletin romand d'information sur la diminution et la gestion des déchets

Quand la construction se préoccupe de prévention des déchets
Plus des deux-tiers des déchets mis en décharge en Suisse proviennent des chantiers. L'effort de collecte sélective fourni dans le domaine des déchets ménagers n'a pas été suivi dans le secteur de la construction (moins de 5 % des déchets de chantiers sont recyclés). Il est vrai que la priorité de ces dernières années a été de faire cesser les mises en décharges sauvages et les feux sur les chantiers. L'interdiction, dès le 1er janvier 2000, de mettre en décharge les déchets combustibles devrait imposer au secteur de la construction une petite révolution des habitudes.

En effet, la modification du 14.02.96 de l'Ordonnance fédérale sur le traitement des déchets (OTD) prévoit, à l'article 53a, que les déchets urbains, les boues d'épuration, les déchets de chantiers combustibles et d'autres déchets combustibles ne soient plus admis en décharges contrôlées: il existe suffisamment d'alternatives, à commencer par des usines d'incinération qui ne sont pas utilisées à leur pleine capacité. Cette nouvelle règle va imposer aux responsables des chantiers de faire séparer au minimum les déchets combustibles des déchets inertes. Elle va mettre aussi dans une situation délicate les fournisseurs de matériaux composites: quelle destination pour les panneaux en fibre de bois agglomérée au ciment (difficilement combustible, mais inaptes à la décharge inerte car plus de 30 % de bois) et pour les isolations phoniques de conduites composées d'une mousse synthétique collée sur une feuille de plomb? Cela devrait donc influencer jusqu'au choix des matériaux par les architectes.

 

 

Tri sur le chantier ou mise en décharge contrôlée, les cantons marquent diverses préférences

Si certains risquent d'être surpris par cette évolution, d'autres anticipent déjà les changements à venir. La mise en décharge de déchets de chantiers mélangés est déjà interdite dans certains cantons. Il ne reste alors que deux alternatives: trier sur le chantier ou évacuer les déchets mélangés en centre de tri. La recommandation SIA 430 (de la Société suisse des ingénieurs et architectes) offre un canevas utile aux maîtres d'ouvrages qui souhaitent effectuer un tri sur le chantier: règles de base applicables à la gestion des déchets, répartition des tâches entre les différents intervenants, mode de mise en soumission, contrôle de l'exécution, etc. L'application de cette recommandation est même obligatoire pour les chantiers importants du canton de Genève.

 

 

Les matériaux d'excavation de sites contaminés ne sont pas valorisables

C'est pour la fraction inerte qu'il y a le plus de techniques de valorisation, débouchés et règles de qualité (ils constituent une fraction importante des déchets de chantiers). La dernière en date est la Directive fédérale pour la valorisation, le traitement et le stockage des matériaux d'excavation minéraux (en consultation): elle règle les voies de valorisation possibles, les conditions à remplir, les voies de traitement des matériaux pollués et les mesures de contrôle aux différentes étapes des travaux. Elle vise à combler une lacune de la législation. En effet, l'OTD ne contient pas de règle pour définir ce qu'est un matériau d'excavation pollué ou non. Pourtant, les matériaux d'excavation représentent des tonnages bien supérieurs aux déchets de chantiers de construction (80 à 100 millions de tonnes). D'autre part, le risque de mettre à jour des sites contaminés (leur nombre est estimé entre 3000 et 4000 en Suisse) lors de travaux d'excavation est bien réel.

 

 

Des matériaux problématiques peuvent être évités par une conception judicieuse des ouvrages

D'autres instruments permettent d'intervenir au niveau de la conception. Les professionnels (re)découvrent alors ce que les progrès de la technique et de la chimie leur avait fait oublier: certaines mesures constructives simples permettent l'emploi de matériaux moins problématiques pour l'environnement. Le traitement de bois extérieurs n'est, par exemple, pas nécessaire lorsqu'ils sont protégés par un avant toit. Ainsi, l'Office des constructions fédérales et l'UBS ont édité un guide sur la Gestion écologique des projets de constructions. Ce document inventorie les différentes questions que devraient se poser les responsables du projet depuis la définition des objectifs jusqu'à la mise en exploitation. Extrait choisi: « Doit-on construire et quel volume, telles sont les questions écologiques fondamentales qu'il faut se poser ». Outre le mérite de poser de bonnes questions, ce document fournit une bibliographie très complète, pour chaque étape du projet, de tous ce qui a été édité dans le domaine en Suisse.

 

 

L'eco-devis portant sur la soumission "toits en pente/couverture" encourage l'emploi des tuiles en terre cuite, béton, ciment ou ardoise et des tavillons, jugés "écologiquement intéressants". Il est en outre recommandé d'exiger, dans les conditions générales, la déclaration selon SIA 493 des matériaux mis en oeuvre et le renoncement au traitement (inutile sur des toits en pente) du bois éventuellement utilisé.

Photo : Ziegelei Rapperswil BE.


 

Caractéristiques écologiques des matériaux: pas de comparaison possible sans normalisation des données

La prévention des déchets de construction passe non seulement par la conception générale des ouvrages, mais aussi par le choix des matériaux. Les responsables d'un projet de construction souhaitant comparer les performances environnementales de divers matériaux utilisables pour une même application peuvent se baser sur les déclarations de produits normalisées selon la Recommandation SIA 493. Comme la SIA ne fournit que la structure de base pour la déclaration et les règles à respecter, c'est aux fournisseurs de remplir ces déclarations et c'est aux utilisateurs de contrôler la vraisemblance des données remises. Ainsi, bien qu'elle ait été éditée à fin 1997, seule une petite minorité de fabricants a déjà déclaré ses produits. Il est donc encore trop tôt pour juger de l'intérêt et de la qualité de cet outil.

 

Des outils pour passer de l'idée à la réalisation

Mais projeter écologiquement n'est pas tout, il faut garantir une exécution aussi proche que possible des objectifs fixés. Un outil d'aide à la mise en soumission a été développé dans ce but par divers services constructeurs de la Confédération: il s'agit des "eco-devis ". Structurés en fonction des chapitres du catalogue d'articles normalisés de la construction (CAN), ils indiquent, parmi les divers matériaux et méthodes de travail utilisables dans une application donnée, ceux qui présentent le plus faible impact sur l'environnement. Les « eco-devis » contiennent en outre des indications utiles spécifiques à chaque chapitre CAN et des règles écologiques importantes à intégrer dans les conditions générales de chaque soumission. Dix « eco-devis » ont été édités et seront testés en 1999 sur des ouvrages réels. Une autre série est déjà prévue pour 2000. Actuellement ces documents n'existent qu'en allemand, mais la présence, dans l'organisme de promotion, de plusieurs offices fédéraux et du canton de Vaud laisse espérer une rapide traduction.

 

 

Nous gérons les déchets de bâtiments construits il y a trente à soixante ans

A voir le nombre de documents, parfois d'excellente qualité, édités dans le domaine de la construction écologique et ce qui se passe sur de nombreux projets de construction, on se dit que la mise en pratique a quelque peine à suivre... Mais si un grand nombre de ces projets n'ont pas encore intégré les critères écologiques, il y a déjà eu des réalisations exemplaires dans ce domaine. Il était temps, car les quantités de matériaux en jeu dans ce secteur sont gigantesques (le parc immobilier suisse contient 2.3 milliards de tonnes de matériaux). En admettant que seuls les deux-tiers de ce parc se renouvellent entièrement tous les cent ans (le dernier tiers étant constitué de bâtiments protégés), il faudrait compter avec près de 15 millions de tonnes de déchets de chantier par an, soit cinq fois plus qu'actuellement! Dans ce gisement énorme se cachent des produits qui ne sont pas inoffensifs (par ex. l'amiante), les coûts engendrés aujourd'hui par l'élimination de ces matériaux indésirables devraient nous inciter encore plus à la prévention.

 


Recommandation

SIA 493

La déclaration des caractéristiques écologiques des matériaux de construction selon la recommandation SIA 493 contient quatre chapitres: "Fabrication" (énergie grise et émission de solvants), "Mise en oeuvre" (risques en matière d'hygiène du travail), "Utilisation" (toxicité et émission potentielle de polluants) et "Recyclage, élimination". Dans ce dernier chapitre les informations suivantes sont demandées: existe-t-il une offre de reprise et valorisation de ce matériau par le fabricant ? (la valorisation doit répondre à un certain nombre de conditions écologiques), les valeurs limites en polluants de matériaux combustibles sont-elles respectées? (ces valeurs limites sont basées sur les teneurs moyennes de ces polluants dans les ordures ménagères), les matériaux incombustibles peuvent-ils être mis en décharge inerte ou doivent-ils être mis en décharge bioactive?


Pour en savoir plus

SIA, vente des normes

c/o Schwabe & Co. AG, 4132 Muttenz, tél. 061/ 467 85 74,

internet: http://www.sia.ch

eco-devis

Association de soutien "eco-devis" c/o Office des constructions du canton de Berne,

3011 Berne, tél. 031/633 34 11

internet: http://www.crb.ch

Projet de directive sur les matériaux d'excavation minéraux

OFEFP service de documentation, 3003 Berne,

tél. 031/322 89 99

Gestion écologique des projets de construction

UBS construction écologique, 8021 Zurich, tél. 01/ 23644 31

OCF échanges d'expériences, 3003 Berne, tél. 031/ 322 81 94


 

Sébastien Piguet

BIRD, Prilly

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